Enonciation

1955/56 - Les psychoses - 310 - le je n'est jamais là où il apparaît sous la forme d'un signifiant particulier. - Le je est le je qui prononce le discours. - C'est à l'intérieur de cette énonciation que le tu apparaît. - 314 - la QUESTION que je me pose sur ce que je suis (... - ...) affleure sous des formes qui n'ont rien d'interrogatif, comme Puissé-je y arriver ! - toujours latente, jamais posée - 315 - si elle surgit, c'est toujours en raison d'un mode d'apparition de la parole que nous pouvons appeler de différentes façons, la mission, le mandat, la délégation, ou encore, la dévolution, par référence à Heidegger. C'est le fondement de la parole fondatrice - tu es ceci, ma femme, mon maître - [En effet] au tu es mon maître , répond un certain que suis-je ? - Que suis-je pour l'être, si tant est que je le sois ? Ce l apostrophe n'est pas le maître pris comme objet [ce serait alors un "petit maître", un surmoi], c'est l'énonciation totale [là est le sujet] de la phrase qui dit je suis ton maître , comme si ton maître avait un sens par le seul hommage que j'en reçoit. - Quelle est la différence entre tu es celui qui me suivras partout [1] et tu es celui qui me suivra partout [2] ? - 316 - Nous avons une principale à la deuxième personne, tu es celui . Qui est l'écran? Va-t-il ou non laisser passer dans la relation le tu ? - [1] est à tout le moins une élection (...), une dévolution, une délégation, un investissement. [2] est une constatation [plutôt navrée]. - Si d'un côté ça verse au sacrement, de l'autre ça irait assez vite du côté de la persécution - [ambiguïté en français du verbe suivre. Au mieux] ça reste ouvert. - c'est un nœud, un point de serrage dans un faisceau de significations, acquis ou non par le sujet - La présence du tu dans le suivras intéresse la personnaison du sujet auquel on s'adresse. - [tu es la femme qui ne m'abandonnera pas // tu es la femme qui ne m'abandonneras pas ] je manifeste, dans le premier cas, une beaucoup plus grande certitude, et dans le second, une beaucoup plus grande confiance.- 317 - [cf. également la "voix moyenne dans les langues indo-européennes où] le sujet fait pour lui l'action dont il s'agit. Il y a par exemple deux formes différentes pour dire Je sacrifie , selon que c'est comme sacrificateur ou comme celui qui offre le sacrifice. - le sujet se constitue comme tel dans le procès ou l'état que le verbe exprime. - 318 - Tout (...) change selon l'accent donné au signifiant - l'accent que va prendre pour le sujet la première partie de la phrase, tu es celui qui... , selon que la partie signifiante aura été par lui conquise, et assumée, ou au contraire verworfen , rejetée. [Dans l'écriture, le seul indice de changement, c'est la lettre, le s] - 319 - Que se passe-t-il si manque le signifiant qui donne à la phrase son poids, et son accent au tu ? Si ce signifiant est entendu, mais si rien chez le sujet ne peut y répondre ? La fonction de la phrase se réduit alors à la seule portée du tu - Le tu est [tu es... : tuez] exactement celui auquel je m'adresse, et rien d'autre. - C'est exactement ce qu'on observe dans les phrases interrompues de Schreber, qui s'arrêtent précisément au point où va surgir un signifiant qui reste problématique, chargé d'une signification certaine, mais on ne sait pas laquelle. - [Par rapport au schéma L qui est] celui de la parole - le A est niveau du tu , le petit a' au niveau de qui me , et le S au niveau de suivras . - 336 - tu n'a aucun sens propre. - Il ne se confond nullement avec l'allocutaire, à savoir celui à qui on parle. C'est évident, puisqu'il est très souvent absent. - [Il est aussi bien dans] Au feu ! [puisque que] ce n'est pas sans provoquer quelque réaction. - Le tu est l'ameçonnage de l'Autre dans l'onde de la signification. / Ce terme qui sert à identifier l'autre en un point de cette onde, est en fin de compte (...) une ponctuation. - 338 - la ponctuation est ce qui y joue ce rôle d'accrochage le plus décisif. - que faut-il pour le promouvoir à la subjectivité ? - 339 - Eh bien, je crois que c'est essentiellement quand il est pris dans la fonction copulaire à l'état pur, et dans la fonction ostensive. - [tu es celui qui me suivras doit se traduire en c'est toi qui me suivra , où l'on retrouve la copule et l'ostension. Bien entendu, cela peut déraper:] 340 - du même coup, je sors l'autre de cet univers, je l'objective, je lui désigne ses relations d'objet, pour peu qu'il ne demande que ça, comme c'est le cas du névrosé. - 341 - [On retombe alors sur] le plan du moi ou toi , l'un ou l'autre [rivalité narcissique] - c'est le tu es celui qui me tues. [tu es celui qui me...(forclusion) tu es celui etc = tu es celui qui me tu, qui me tues] - ce que nous appellerons la tutoïté - [cf. Surmoi, Loi] - 343 - [Dans l'autre sens, au sens plein] C'est au tu lui-même que nous nous adressons en tant qu'inconnu. C'est là ce qui fait son aisance, sa force aussi, et aussi qu'il passe de tu es dans le suivras de la seconde partie en y persistant. Il y persiste précisément parce que dans l'intervalle il peut y défaillir. Dans cette formule, ce n'est donc pas à un moi en tant que je le fais voir, que je m'adresse, mais à tous les signifiants qui composent le sujet auquel je suis opposé. Je dis tous les signifiants qu'il possède, jusques et y compris ses symptômes. C'est à ses dieux comme à ses démons que nous nous adressons - et c'est pourquoi je pense que le terme d'invocation est propre à désigner la forme la plus élevée de la phrase - Vous venez de voir en quoi le tu dépend du signifiant comme tel.

1958/59 - Le désir et son interprétation - 12/11/58 - le procès de l'énonciation se superpose, se distingue de la formule de l'énoncé, en exigeant comme tel quelque chose qui est justement la prise du sujet, prise du sujet qui était d'abord innocente [dans l'énoncé], mais qui ici (...) est inconsciente dans l'articulation de la parole. - 03/12/58 - [cette étape qui] consiste à ce que le sujet s'aperçoive qu'il y a quelque chose qui cloche à la phrase : "j'ai trois frères, Paul, Ernest et moi" [ça c'est pour le moins le vrai discours de l'ics, le discours de l'autre, où l'enfant se dit de la bouche même de ses parents. C'est pour les mêmes raisons que jusqu'à un certain âge il croit que ses parents, ce lieu du discours de l'autre pour lui, savent tout ce qu'il pense.] - toute parole en tant que le sujet y est impliqué, est discours de l'Autre. - [Et donc, par suite] Le pas suivant de ce par quoi à l'origine le sujet se constitue dans le procès de la distinction de ce je de l'énonciation d'avec le je de l'énoncé, c'est la dimension du "n'en rien savoir" (...), c'est dans la découverte que c'est un fait que l'autre n'en sait rien de ses pensées - 10/12/58 - Le ne [négation] à lui tout seul, livré à lui-même, exprime ce qu'il [Pichon] appelle une discordance, (...) quelque chose qui se situe entre le procès de l'énonciation et le procès de l'énoncé. - je crains qu'il ne vienne. - [ici] le français (...) saisit si je puis dire le ne quelque part au niveau si on peut dire de son errance (...) où le "ne" porte sur l'articulation de l'énonciation, porte sur le signifiant pur et simple dit en acte. - 14/01/92 -[la 2è ligne de langage sur le graphe] elle est quelque chose sur quoi le sujet a à faire un rapport, une énonciation, à se situer par rapport à elle, à vous le faire passer justement avec tous ces accents qu'il y a à y mettre de plus ou moins d'adhésion à ce qu'il vous raconte.

1961/62 - L'identification - 10/01/62 - ce point radical, archaïque qu'il nous faut de toute nécessité supposer à l'origine de l'inconscient, cad de ce quelque chose par quoi en tant que le sujet parle, il ne peut faire que de s'avancer toujours plus avant dans la chaîne, dans le redéroulement des énoncés, mais que, se irigeant vers les énoncés, de ce fait même dans l'énonciation, il élide quelque chose qui est à proprement parler ce qu'il ne peut pas savoir, à savoir le nom de qu'il est en tant que sujet de l'énonciation. Dans l'acte de l'énonciation, il y a cette nomination latente qui est concevable comme étant le premier noyau, comme signifiant de ce qui ensuite va s'organiser comme chaîne tournante, (...) ce cœur parlant du sujet que nous appelons l'ics.

1964 - Position de l'inconscient - 834 - la présence de l'inconscient, pour se situer au lieu de l'Autre, est à chercher en tout discours, en son énonciation.

1964 - Les quatre concepts… - 127 - Il est tout à fait faux de répondre à ce je mens qui si tu dis je mens, c'est que tu dis la vérité, et donc tu ne mens pas, ainsi de suite. - En effet, le je qui énonce, le je de l'énonciation, n'est pas le même que le je de l'énoncé -Dès lors, du point où je l'énonce, il m'est parfaitement possible de formuler de façon valable que le je - le je qui, à ce moment là, formule l'énoncé - est en train de mentir - 128 - le mens [de l'énoncé] est un signifiant, faisant partie, dans l'Autre, du trésor du vocabulaire où le je, déterminé rétroactivement, devient signification engendrée au niveau de l'énoncé, de ce qu'il produit au niveau de l'énonciation - c'est un je te trompe qui en résulte. [Voir schéma] Le je te trompe provient du point d'où l'analyste attend le sujet, et lui renvoie (...) son propre message dans sa signification véritable, cad sous une forme inversée. Il lui dit - dans ce je te trompe, ce que tu envoie comme message, c'est ce que moi je t'exprime, et ce faisant, tu dis la vérité. - Dans le chemin de tromperie où le sujet s'aventure, l'analyste est en posture de formuler ce tu dis la vérité, et notre interprétation n'a jamais de sens que dans cette dimension. - Reportons sur ce schéma le je pense cartésien. - Disons que c'est de prendre sa place au niveau de l'énonciation qui donne sa certitude au COGITO. Mais le statut du je pense est aussi réduit, aussi minimal, aussi ponctuel (...) que celui du je mens de tout à l'heure. - 129 - La différence de statut que donne au sujet la dimension découverte de l'ics tient au désir, qui est à situer au niveau du cogito. Tout ce qui anime, ce dont parle toute énonciation, c'est du désir.