Métonymie

1955/56 - Les psychoses - - 248 - Sans la structure signifiante, cad sans l'articulation prédicative, sans la distance maintenue entre le sujet et ses attributs, on ne pourrait qualifier la gerbe d'avare et de haine. C'est parce qu'il y a une syntaxe, un ordre primordial de signifiant - Cette phase du symbolisme qui s'exprime dans la métaphore suppose la similarité, laquelle est manifestée uniquement par la position [et non le sens]. C'est par le fait que la gerbe est le sujet de avare et de haineuse , qu'elle peut être identifiée à Booz dans son manque d'avarice et de générosité. - [La syntaxe est d'ordre plutôt métonymique, mais c'est le fait de tenir compte de cet ordre qui permet l'émergence de la métaphore, le fait que "gerbe" soit à la place de "Booz": émergence d'une signification] - 249 - opposition entre, d'une part, les rapports de similarité ou de substitution, ou de choix, et aussi de sélection ou de concurrence, bref de tout ce qui est de l'ordre du synonyme, et d'autre part les rapport de contiguïté, d'alignement, d'articulation signifiante, de coordination syntaxique. Dans cette perspective, l'opposition classique des aphasies sensorielles et des aphasies motrices (...) se coordonne - 250 - [La métonymie] Elle concerne la substitution à quelque chose qu'il s'agit de nommer - nous sommes en effet au niveau du nom - . On nomme une chose par une autre qui en est le contenant, ou la partie, ou qui est en connexion avec. - 251 - ce que Freud a mis originellement au premier plan dans les mécanismes de la névroses [ou du rêve, etc.], ce n'est ni la dimension métaphorique, ni l'identification. C'est le contraire. - 255 - [Dans la première] il y a là un trouble de la similarité - le sujet est incapable de la métaphrase, et ce qu'il a à dire est tout entier dans le domaine de la paraphrase. - [L'autre] commence par les troubles de l'agrammatisme (...) et va jusqu'à une réduction extrême du stock verbal [il s'agit là d'un trouble de la contiguïté, de la métonymie, beaucoup plus radical:] C'est ici essentiellement l'articulation, la syntaxe du langage, qui, progressivement (...) se dégrade, au point de les rendre incapables d'articuler dans une phrase composée ce qu'ils peuvent pourtant correctement nommer. - 256 - Le déficit (...) a deux versants. / Le premier, c'est la dissolution du lien de la signification intentionnelle à l'appareil du signifiant. Celui-ci reste globalement au sujet, qui néanmoins n'arrive plus à le maîtriser en fonction de son intention. Le second, c'est la dissolution du lien interne au signifiant.- 257 -J'admets très bien que quelqu'un m'objecte que la gerbe de Booz est métonymique - Mais ce n'est pas cela qui fait la vertu métaphorique de cette gerbe, c'est qu'elle est mise en position de sujet dans la proposition, à la place de Booz. - 256 - L'important est l'opposition entre deux sortes de liens qui sont eux-mêmes internes au signifiant. / D'abord le lien positionnel, qui est le fondement [métonymique] du lien que j'ai appelé tout à l'heure propositionnel. - l'ordre des mots. - coexistence synchronique des termes. - 257 - [A l'opposé on trouve un] lien de similarité [métaphore] (...) lié à la possibilité indéfinie de la fonction de substitution, [mais] laquelle n'est concevable que sur le fondement de la relation positionnelle. - 259 - la métonymie est au départ, et c'est elle qui rend possible la métaphore. Mais la métaphore est d'un autre degré [subjectif] que la métonymie. - Anna Freud endormie (...) - Grosses fraises, framboises, flans, bouillies. - c'est la forme la plus schématique, la plus fondamentale, de la métonymie. - Qu'ils [ces éléments] soient là, juxtaposées, coordonnés dans la nomination articulée, tient à la fonction positionnelle qui les met en position d'équivalence. - nous sommes sur le plan de (...) l'articulation signifiante comme telle. C'est seulement à l'intérieur de ce cadre [métonymique] qu'est possible le transfert de signification [métaphore] - C'est le cœur de la pensée freudienne. L'œuvre commence par le rêve, ses mécanismes de condensation et déplacements, de figuration, ils sont tous de l'ordre de l'articulation métonymique, et c'est sur ce fondement que la métaphore peut intervenir. - 260 - Ma grosse fille pleine de fesses et de muscles . ÷ ce langage, n'est évidemment pas le même que celui de Sa gerbe n'était point avare, ni haineuse. - 261 - De même que s'opposent métaphore et métonymie, de même s'opposent les fonctions fondamentales de la parole - la parole fondatrice et les mots de passe. - [Opposition entre : Mon homme /Ma femme. - Ou bien : La merde [pour eau sale] sortait des tuyaux / Ce type n'est qu'une merde, une loque : c'est la place, cad le statut grammatical e position de sujet qui fait la métaphore]

1957 - L'instance de la lettre dans l'inconscient - 505 - trente voiles. - le mot bateau qui s'y cache [puisque ici les deux termes sont toujours "en rapport" ; l'autre y est toujours implicitement] - La partie prise pour le tout (...) ne nous laisse guère d'idée de ce qu'il faut entendre de l'importance de la flotte que ces trente voiles pourtant sont censée évaluer : qu'un navire n'ait qu'une voile est en effet le cas le moins commun [la métonymie n'indique donc rien de la signification à apporter]. 506 - A quoi se voit que la connexion du navire et de la voile n'est pas ailleurs que dans le signifiant, et que c'est dans le mot à mot de cette connexion que s'appuie la métonymie. - 518 - les énigmes que propose le désir à toute "philosophie naturelle", sa frénésie mimant le gouffre de l'infini (...) ne tiennent à nul autre dérèglement de l'instinct qu'à sa prise dans les rails, - éternellement tendus vers le désir d'autre chose -, de la métonymie. D'où sa fixation "perverse" au même point de suspension de la chaîne signifiante où le souvenir-écran s'immobilise, où l'image fascinante du fétiche se statufie.

1957/58 - Les formations de l'inconscient - 27/11/57 - à l'opposé de la dimension du sens, cad dans la diversité de ces objets déjà constitués par le langage - qui est la dimension de la valeur. - [Cf. Le 1er livre du Capital] - institution de cette sorte d'équivalence fondamentale. - [ex.] quelque chose doit se structurer dans l'équivalence toile-vêtement, à savoir que des vêtements peuvent représenter la valeur de la toile - le vêtement peut devenir le signifiant de la valeur de la toile. - en d'autres termes, l'équivalence qui s'appelle valeur, tient proprement à l'abandon [PERTE] de la part d'un ou de deux des deux termes, d'une partie également très importante de leur sens. - une perspective qui (...) nous permet de rejoindre le plan de l'inconscient. - 27/11/57 - ces voiles sont là quelque chose qui n'entrent pas avec leur plein droit de voiles, qui n'entrent pas à toutes voiles dans l'usage que nous en faisons - quelque chose de réduit dans leur portée et dans leur signe - sans aucun doute vous direz que là c'est une référence de sens qu'en fin de compte je m'en remets pour faire la différence. Je ne le crois pas, et je vous ferai remarquer que ce dont je suis parti, c'est que la métonymie est la structure fondamentale dans laquelle peut se produire ce quelque chose de nouveau et de créatif qui est la métaphore ; que même si quelque chose de métonymique est placé en position de substitution, comme c'est le cas dans les trente voiles, c'est quelque chose d'autre - 27/11/57 - [perversion] la chaîne métonymique (...) est l'essence de toute espèce de déplacement fétichiste du désir, autrement dit de fixation du désir quelque part avant, après ou à côté, de toutes façons à la porte de son objet naturel -

1958 - La direction de la cure... - 622 - [Pour la belle bouchère] le saumon fumé, objet du désir de son amie, est tout ce qu'elle a à offrir, Freud en posant que le saumon fumé est ici substitué au caviar qu'il tient d'ailleurs pour le signifiant du désir de la patiente, nous propose le rêve comme métaphore du désir. - le désir d'avoir un désir insatisfait [en l'occurrence] - [Mais ce désir] s'il est signifié [métaphoriquement] comme insatisfait, l'est par le signifiant : caviar, en tant que le signifiant le symbolise comme inaccessible, mais que, dès lors qu'il se glisse comme désir dans le caviar, le désir du caviar est sa métonymie : rendue nécessaire par le manque à être où il se tient. / La métonymie est (...) cet effet rendu possible de ce qu'il n'est nulle signification qui ne renvoie à une autre signification, et où se produit leur plus commun dénominateur, à savoir le peu de sens (communément confondu avec l'insignifiant), (...) qui s'avère au fondement du désir, et lui confère l'accent de perversion qu'il est tentant de dénoncer dans l'hystérie présente. / Le vrai de cette apparence est que le désir est la métonymie du manque à être.

1958/59 - Le désir et son interprétation - 26/11/58 - C'est pour autant que l'événement évoqué dans la mémoire est un événement récité (...) que nous pouvons parlé à ce niveau de contiguïté. [La métaphore est] un effet de substitution dans la chaîne signifiante [Ex. la cerise et la lèvre : dans la métaphore la cerise et comme une lèvre, mais ça n'empêche pas ces termes d'intervenir dans une relation de contiguïté, de récit, de métonymie donc : la cerise entre les lèvres, par ex.] Si un instant nous arrêtons cette cerise au contact de la lèvre, c'est en fonction d'un flash qui est précisément le flash du récit, où c'est la phrase [ce qui se passe : le rapport de deux êtres et non plus l'être du rapport (métaphore)], où ce sont les mots qui un instant suspendent cette cerise entre les lèvres, et c'est d'ailleurs précisément parce qu'il existe cette dimension du récit en tant qu'elle institue le flash, qu'inversement cette image en tant qu'elle est créée par la suspension du récit, devient effectivement à l'occasion un des stimulants du désir, (...) cette suspension qui prend la valeur du fantasme, qui a signification érotique dans le détour de l'acte.