Paranoïa

1931 - Structure des Psychoses paranoïaques - la P tend à se confondre aujourd'hui avec une notion de caractère - C'est contre cette tendance que nous essaierons de grouper ici quelques réflexions. Nous le ferons en nous fondant sur la notion purement phénoménologique de la structure des états délirants. [4 signes cardinaux selon Montassut: surestimation pathologique de soi, méfiance, fausseté du jugement, inadaptabilité sociale)] il s'agit là des quatre faces d'un même carré. Au centre est cette psychorigidité que Montassut a si justement mis en valeur. - Parmi ces fous raisonnants (...) toute une hiérarchie s"établit depuis le débile aux constructions absurdes jusqu'au théoricien autodidacte ou cultivé qui se meut à l'aise dans les idées abstraites. - Il peut devenir (...) un "grand intellectuel". - [Le délire d'interprétation] Il est le positif, la statue jaillie du moule que constituait l'état de méfiance - [il] est un délire du palier, de la rue, de forum. - Quelques soient l'étendue de ces interprétations, elles sont centripètes, étroitement polarisées sur le sujet. - Le point essentiel de la structure délirante nous paraît être celui-ci : l'interprétation est faite d'une série de données immédiates quasi-intuitives, quasi-obsessionnelles, que n'ordonne primitivement, ni par sélection ni par groupement, aucune organisation raisonnante. C'est là, a-t-on dit [Clarambault] "un annélide, non un vertébré". - Si propice aux déviations logiques que la structure paranoïaque la suppose, ce n'est point sans peine qu'elle organise ce délire et il semble qu'elle le subisse bien plus qu'elle ne le construise. - Il semble qu'il s'agisse souvent d'une sorte de construction justificative, d'un minimum de rationalisation sans lequel le malade ne saurait exposer ses certitudes primaires. - la perturbation paranoïaque au sens étymologique se sent dans l'ordonnance même du délire (...) dans l'organisation idéique même des délires. - Le terme de constitution paranoïaque se justifie par la fixation précoce d'une structure.

1932 - Thèse - 56 - Quelque soit (...) le rapport du délire à la personnalité, il est remarquable de voir qu'il en conserve l'économie générale. - [Parallèle fait entre les trois traits essentiels de la psychose chez Kraepelin (évolution insidieuse, délire de grandeur, délire de persécution) et "la triple fonction structurale qu'a dégagée notre analyse de la personnalité sous les trois chefs 1) d'un développement, 2) d'une conception de soi-même, 3) d'une certaine tension des relations sociales".] - 252 - [autopunition] Les persécuteurs menacent l'enfant, "pour punir sa mère", "qui est médisante", "qui ne fait pas ce qu'elle doit", etc. - 253 - La puissance affective du prototype [de la persécutrice] est donnée par son existence réelle dans la vie de la malade [ici la sœur aînée, devenant peu à peu "actrice", "femme du monde", etc] - Mais là éclate l'identité imaginaire des thèmes de grandeur et des thèmes de persécution : ce type de femme, c'est exactement ce qu'elle-même rêve de devenir. La même image qui représente son idéal est aussi l'objet de sa haine. Aimée frappe donc en sa victime son idéal extériorisé, comme la "passionnelle" frappe l'objet unique de sa haine et de son amour. Mais l'objet qu'atteint Aimée n'a qu'une valeur de pure symbole [c'est elle qu'elle devrait frapper], et elle n'éprouve de son geste aucun soulagement. - 273 - Le persécuteur principal est toujours de même sexe que le sujet - Pour les idées érotomaniaques , elles ont toujours le caractère de platonisme - 274 - Notons la réactivité du délire aux influences endogènes [et aux influences extérieures] - 274 - Le danger qu'imposent à autrui les virtualités réactionnelles de ces sujets est inversement proportionnel au paradoxe de leur délire. En d'autres termes, plus les conceptions du sujet se rapprochent de la normale, plus il est dangereux.

1933 - "Motifs du crime paranoïaque..." (Thèse) - 396-397 - lorsqu'aux premiers stades maintenant reconnus de la sexualité infantile s'opère la réduction forcée de l'hostilité primitive entre les frères, une anormale inversion peut se produire de cette hostilité en désir, et que ce mécanisme engendre un type spécial d'homosexuels chez qui prédominent les instincts et activités sociales. - [dans notre cas princepts, celui d'Aimée] chacune des persécutrices n'est vraiment rien d'autre qu'une nouvelle image, toujours toute prisonnière du narcisssisme, de cette sœur dont notre malade a fait son idéal. - Le "mal d'être deux" dont souffrent ces malades ne les libère qu'à peine du mal de Narcisse. Passion mortelle et qui finit par se donner la mort. Aimée frappe l'être brillant qu'elle hait justement parce qu'elle représente l'idéal qu'elle a de soi. - Mais il semble qu'entre elles les soeurs [Papin] ne pouvaient y même prendre la distance qu'il faut pour se meurtrir. - 398 - C'est leur détresse qu'elles détestent dans le couple qu'elles entraînent dans un atroce quadrille.

1938 - Les complexes familiaux - 48 - Les connexions de la paranoïa avec le complexe fraternel se manifestent par la fréquence des thèmes de filiation, d'usurpation, de spoliation, comme sa structure narcissique se révèle dans les thèmes plus paranoïdes de l'intrusion, de l'influence, du dédoublement, du double et de toutes les transmutations délirantes du corps. Ces connexions s'expliquent en ce que le groupe familial, réduit à la mère et à la fratrie, dessine un complexe psychique où la réalité tend à rester imaginaire

1948 - L'agressivité en psychanalyse - 106 - Thèse III : Les ressorts D'AGRESSIVITÉ décident des raisons qui motivent la technique de L'ANALYSE. - 107 - c'est la participation à son mal que le malade attend de nous. - [Mais] Seuls les saints sont assez détachés de la plus profonde des passions communes pour éviter les contrecoups agressifs de la charité. - Nous devons pourtant mettre en jeu l'agressivité du sujet à notre endroit, puisque ces intentions, on le sait, forment le transfert négatif qui est le nœud inaugural du drame analytique. Ce TRANSFERT représente chez le patient le transfert imaginaire sur notre personne d'une des imagos plus ou moins archaïques - 108 - Loin de l'attaquer de front, la maïeutique analytique adopte un détour qui revient en somme à induire dans le sujet une paranoïa dirigée - opérer la projection de ce que Mélanie Klein appelle les mauvais objets internes , mécanisme paranoïaque certes, mais ici bien systématisé, filtré en quelque sorte et étanché à mesure. - Encore, répétons-le, cette imago ne se révèle-t-elle que pour autant que notre attitude offre au sujet le miroir pur d'une surface sans accidents. - 110 - [NARCISSISME] Thèse IV : L'AGRESSIVITÉ est la tendance corrélative d'un mode d'identification que nous appelons narcissique et qui détermine la structure formelle du moi de l'homme et du registre d'entités caractéristiques de son monde. - [Cf. le stade du miroir où apparaît ainsi l'] 113 - imago salutaire ; elle est valorisée de toute la détresse originelle, liée à la discordance intra-organique et relationnelle du petit d'homme, durant les six premiers mois - [Entre six mois et deux ans et demi, l'enfant vit dans une totale identification à l'autre] L'enfant qui bat dit avoir été battu, celui qui voit tomber pleure. Cette forme se cristallisera (...) dans la tension conflictuelle interne au sujet, qui détermine l'éveil de son désir pour l'objet du désir de l'autre : ici le concours primordial se précipite en concurrence agressive, et c'est d'elle que naît la triade d'autrui, du moi et de l'objet - 114 - C'est pourquoi jamais (...) le MOI de l'homme n'est réductible à son identité vécue ; et dans les disruptions dépressives des revers vécus de l'infériorité, engendre-t-il essentiellement les négations mortelles qui le figent dans son formalisme. "Je ne suis rien de ce qui m'arrive. Tu n'es rien de ce qui vaut." Aussi bien les deux moments se confondent-ils où le sujet se nie lui-même et où il charge l'autre, et l'on y découvre cette structure paranoïaque du moi qui trouve son analogue dans les négations fondamentales, mises en valeur par Freud dans les trois délires de jalousie, d'érotomanie et d'interprétation. C'est le délire même de la belle âme misanthrope [Alceste], rejetant sur le monde le désordre qui fait son être. - 116 - [donc] une agressivité liée à la relation narcissique et aux structures de méconnaissance et d'objectivation [objection] systématiques qui caractérisent la formation du moi . - Nul besoin dès lors de chercher plus loin la source de cette énergie dont Freud, à propos du problème de la répression, se demande d'où l'emprunte le moi , pour la mettre au service du "principe de réalité". Nul doute qu'elle ne provienne de la "passion narcissique" - Tout comme l'oppression insensée du surmoi reste à la racine des impératifs motivés de la conscience morale, la furieuse passion, qui spécifie l'homme, d'imprimer dans la réalité son image est le fondement obscur des médiations rationnelles de la volonté. - 119 - C'est à toutes les phases génétiques de l'individu (...) que nous retrouvons ce moment narcissique dans le sujet, en un avant où il doit assumer une frustration libidinale et un après où il se transcende dans une sublimation normative.

1955/56 - Les psychoses - 30 - la difficulté d'aborder le problème de la paranoïa tient précisément à ce qu'elle se situe justement sur le plan de la compréhension. - le phénomène élémentaire, irréductible, est ici au niveau de l'interprétation. - En d'autres termes, il [le parano] symbolise ce qui se passe en termes de signification. [C'est ce qui a pu entretenir l'idée que la paranoïa manifestait un comble de logique, voire d'intelligence] [l'illusion pour l'analyste serait, à son tour, de vouloir comprendre, du style : Le sujet a voulu dire ça . ] 31 - [Il se peut qu'il y ait] en effet un noyau complètement compréhensible, si vous y tenez. Ça n'a strictement aucun intérêt qu'il le soit. Ce qui est par contre tout à fait frappant, c'est qu'il est inaccessible, inerte, stagnant par rapport à toute dialectique. [et tout dialogue] -

1959/60 - L'éthique de la psychanalyse - [objet ; chose] Ce premier étranger par rapport à quoi le sujet a à se référer d'abord, le paranoïaque n'y croit pas. [bien sûr: il n'a de foi qu'en son moi]