Pensée

1953/54 - Les écrits techniques de Freud - 250 - Toute discussion sur l'origine du langage est entaché d'une irrémédiable puérilité, et même d'un crétinisme certain. On essaie à chaque fois de faire sortir le langage de je ne sais quel progrès de la pensée. - Mais comment, s'il n'y a pas d'abord le symbole, qui est la structure même de la pensée humaine ? / Penser, c'est substituer aux éléphants le mot éléphant , et au soleil un rond. - Il ne vaut que pour autant que ce rond est mis en relation avec d'autres formalisations - Le symbole ne vaut que s'il s'organise dans un monde de symboles.

1964 - Les quatre concepts… - 49 - Une pensée adéquate en tant que pensée (...) évite toujours - fût-ce pour se retrouver après en tout - la même chose. Le réel est ici ce qui revient toujours à la même place - à cette place où le sujet en tant qu'il cogite, où la res cogitans, ne le rencontre pas.

1957 - L'instance de la lettre dans l'inconscient - 522 - C'est cet abîme ouvert à la pensée qu'une pensée se fasse entendre dans l'abîme, qui a provoqué dès l'abord la résistance à l'analyse [psychanalyse]. Et non pas comme on le dit la promotion de la sexualité dans l'homme. Celle-ci est l'objet qui prédomine de beaucoup dans la littérature à travers les siècles.

1959/60 - L'éthique de la psychanalyse - 253 - C'est paradoxalement dans la seule perspective créationniste [création] que peut s'envisager l'élimination de la notion toujours renaissante de l'intention créatrice comme supportée par une seule personne. Dans la pensée évolutionniste, Dieu, pour n'être nommable nulle part, est littéralement omniprésent. Une évolution qui s'oblige à déduire d'un processus continu le mouvement ascendant qui abouti au sommet de la conscience et de la pensée, implique forcément que cette conscience et cette pensée étaient à l'origine. - C'est parce qu'il en est ainsi que nous ne pouvons effectivement trouver la pensée (...) que dans les intervalles du signifiant.

1959/60 - L'éthique de la psychanalyse - 75 - La Vorstellun est prise dans Freud dans son caractère radical - il lui assigne jusqu'à l'extrême le caractère auquel les philosophes précisément n'ont pu se résoudre à la réduire, celui d'un corps vide, d'un fantôme, d'un pâle incube de la relation au monde, d'une jouissance exténuée qui en fait à travers l'interrogation du philosophe le trait essentiel. Et en l'isolant dans cette fonction, Freud l'arrache à la tradition. Et la sphère, l'ordre, la gravitation des Vorstellungen, où les place-t-il ? - entre perception et conscience, comme on dit entre cuir et chair. C'est entre perception et conscience que s'insère ce qui fonctionne au niveau du principe de plaisir. C'est-à-dire quoi ? - les processus de pensée pour autant qu'ils règlent par le principe du plaisir l'investissement des V,, et la structure dans laquelle l'ics s'organise, la structure dans laquelle la sous-jacence des mécanismes ics se flocule, ce qui fait le grumeau de la représentation, à savoir quelque chose qui a la même structure (...) que le signifiant. - ce qui fait de la Vorstellung un élément associatif, combinatoire. - [c'est pour cela que ces processus] ne seraient rien pour la conscience s'ils ne pouvaient lui être apportés par l'intermédiaire d'un discours [dans le préconscient]. - Les Wortvorstellungen instaurent un discours qui s'articule sur les processus de la pensée [vorstellungen, métaphore et métonymie] - 78 - la réaction typique de l'organisme en tant que réglé par l'appareil neuronique, c'est l'élidement. Les choses sont vermeidet , élidées. Le niveau des Vorstellungsrepräsentanzen est le lieu élu de la Verdrängung [refoulement]. Le niveau des Wortvorstellungen est celui de la Verneinung [dénégation] . - 79 -Le Verneinen [est] la façon paradoxale par où se situe dans le discours prononcé, énoncé, dans le discours du Bewustwerden , ce qui est caché, verbergen , dans l'ics, la façon sous laquelle s'avoue ce qui pour le sujet se trouve à la fois présentifié et renié.

1961/62 - L'identification - 15/11.61 - [cogito] "je pense" pris tout court sous cette forme, n'est guère plus sustentable, pas plus supportable que le "je mens" - le jugement qu'il comporte ne peut porter sur son propre énoncé - les deux lignes que nous distinguons comme énonciation et énoncé nous suffisent (...) pour nous déplacer dans la dimension exactement opposée, mais strictement corrélative, qui est de dire : "mais non, tu ne sais pas que tu dis la vérité" - Bien plus : "tu ne la dis si bien que dans la mesure même où tu crois mentir et quand tu ne veux pas mentir c'est pour mieux te garder de cette vérité. - [la vérité ne serait] qu'une égarée. - [je pense : je mens] ou bien ceci voudra dire : "je pense que je pense", ce qui n'est alors absolument parler de rien d'autre que le "je pense" d'opinion ou d'imagination, le "je pense" comme vous dites quand vous dites "je pense qu'elle m'aime" qui veut dire que les embêtements vont commencer. A suivre Descartes, même dans le texte des Méditations, on est surpris du nombre d'incidences sous lesquelles ce "je pense" n'est rien d'autre que cette dimension proprement imaginaire sur laquelle aucune évidence, soi-disant radicale, ne peut même être fondée, s'arrêter. Ou bien alors ceci veut dire : "je suis un être pensant" - ce qui est, bien entendu, alors bousculer à l'avance tout le procès de ce qui vise justement à faire du "je pense" un statut sans préjugés, comme sans infatuation à mon existence. - C'est qu'il n'a jamais été, dans la ligne philosophique qui s'est développée à partir des investigations cartésiennes dites du cogito, qu'il n'a jamais été qu'un seul sujet que j'épinglerai, pour terminer, sous cette forme : le sujet supposé savoir. - 29/11/61 - [la position cartésienne] met en cause, non point ce qu'on trouve de vrai dans le RÉEL, mais le statut du sujet en tant qu'il est chargé de l'y amener, ce vrai dans le réel