Moi

1938 - Les complexes familiaux - 98 - Pour le symptôme obsessionnel (...) il prend son sens du déplacement de l'affect dans la représentation - 99 - se manifestent trop comme la caricature des formes mêmes de la connaissance, pour qu'on ne cherche pas l'origine de cette névrose dans les premières activités d'identification du moi - Ce sont donc les superstructures de la personnalité qui sont utilisées ici pour mystifier l'angoisse. L'effort de restauration du moi se traduit dans le destin de l'obsédé par une poursuite totalisante de sentiment de son unité.

1949 - Le stade du miroir… - 99 - toute notre expérience (...) nous détourne de concevoir le moi comme centré sur le système perception-conscience , comme organisé par le "principe de réalité" où se formule le préjugé scientiste le plus contraire à la dialectique de la connaissance, - pour nous indiquer de partir de la fonction de méconnaissance qui le caractérise

1951 - Quelques réflexions sur l'Ego - C'est en fait, la jalousie primitive qui instaure le stade sur lequel la relation triangulaire entre l'Ego, l'objet et "quelqu'un d'autre" commence à être. - L'objet du désir de l'homme est essentiellement un objet désiré par quelqu'un d'autre - Ce que nous avons été capables d'observer dans cette voie privilégiée [du langage] par laquelle une personne s'exprime en tant qu'Ego : c'est précisément cela - Verneinung - le déni. / - lorsque quelqu'un dit "ce n'est pas ainsi" c'est parce que c'est ainsi ; et quand il dit "ce n'est pas cela que je veux dire", il dit vraiment. - la paranoïa [délire] ne peut être comprise qu'en de tels termes - les persécuteurs (...) identiques aux images du moi idéal - [sorte de dénégation, donc] - C'est la stabilité de la station verticale, le prestige de la taille, la solennité des statues qui fournissent le modèle à l'identification dans laquelle l'Ego trouve son point de départ et laissent leur empreinte pour toujours. - [chez l'obsessionnel] on rencontre souvent des rêves dans lesquels l'Ego du rêveur est représenté comme un stade ou un autre espace clos abandonné à la compétition pour le prestige. - Cette illusion d'unité, dans laquelle un être humain se réjouit toujours de sa propre maîtrise, comporte un danger constant de reglisser en arrière dans le chaos duquel il est parti, il surplombe l'abîme d'un assentiment vertigineux dans lequel on peut peut-être voir l'essence même de l'Anxiété.

1953 - Discours du Congrès de Rome et réponse aux interventions - Le moi pourtant n'est jamais qu'une moitié du sujet, vérité première de la psychanalyse ; encore cette moitié n'est-elle pas la bonne, ni celle qui détient le fil de sa conduite, de sorte que dudit fil il reste à retordre, et pas seulement un peu. -[être] [Lacan rappelle ici que l'homme du temps de Villon disait : "Ce suis-je", alors que l'homme moderne dit : "C'est moi". De même que dans l'Exode, Dieu dit à Moïse : "Je suis celui qui suis"]

1953/54 - Les écrits techniques de Freud - 64 - Je ne dis pas l'ego dans la psychologie, où il est fonction de synthèse, mais l'ego dans l'analyse, fonction dynamique. L'ego s'y manifeste comme défense, refus - la fonction fondamentale de l'ego, la méconnaissance. - 174 - [image] ce caractère partiellement décomposable, démontable, du moi humain, si imprécis quant à ses limites. Les fausses dents assurément ne font pas partie de mon moi, mais jusqu'à quel point mes vraies dents en font-elles partie ? - 194 - Le moi, c'est un objet fait comme un oignon, on pourrait le peler, et on trouverait les identifications successives qui l'ont constitué.

1954/55 - Le moi dans la théorie de Freud... - (page?) le moi est une forme tout à fait fondamentale pour la constitution des objets. En particulier, c'est sous la forme de l'autre spéculaire qu'il voit celui (...) que nous appelons son semblable. [a'] - le moi (...), l'autre, le semblable, tous ces imaginaires sont des objets. - 60 - Sans doute le vrai je n'est pas le moi. Mais ce n'est pas assez, car on peut toujours se mettre à croire que le moi n'est qu'une erreur du je , un point de vue partiel, dont une simple prise de conscience suffirait à élargir la perspective - L'important est la réciproque (...) - le moi n'est pas le je , n'est pas une erreur - Il est autre chose - un objet particulier à l'intérieur de l'expérience du sujet. Littéralement, le moi est un objet - un objet qui remplit une certaine fonction (...) imaginaire. - 284 - le moi est une construction imaginaire. Cela ne lui retire rien, à ce pauvre moi, le fait qu'il soit imaginaire - je dirais même que c'est ce qu'il a de bien. S'il n'était pas imaginaire, nous ne serions pas des hommes, nous serions des lunes. Ce qui ne veut pas dire qu'il suffit que nous ayons ce moi imaginaire pour être des hommes. Nous pouvons être encore cette chose intermédiaire qui s'appelle un fou. Un fou est justement celui qui adhère à cet imaginaire, purement et simplement. [psychose]

1955 - La Chose freudienne - 416 - "Wo Es war' soll Ich werden." / [sujet] Formule où la structuration signifiante montre assez sa prévalence. - [Ce n'est pas : là où le Ça était, le Moi doit advenir. - 417 - Contrairement à la forme que ne peut éviter la traduction anglaise : "Where the id was, there the ego shall be", freud n'a pas dit : das Es , ni : das Ich , comme il le fait habituellement pour désigner ces instances où il a ordonné alors depuis dix ans sa nouvelle topique - il apparaît ici que c'est au lieu : Wo , où Es , sujet dépourvu d'aucun das ou autre article objectivant, war , était, c'est d'un lieu d'être qu'il s'agit, et qu'en ce lieu : soll , c'est un devoir au sens moral qui là s'annonce (...), Ich , je, là dois-je (comme on annonçait : ce suis-je, avant qu'on dise : c'est moi), werden , devenir, cad non pas survenir, ni même advenir, mais venir au jour de ce lieu même en tant qu'il est lieu d'être. - [C'est donc du sujet qu'il retourne - lequel se "retourne" - dans les deux parties de la phrases :] Ainsi l'c' élidé qui va apparaître (...) nous suggère-t-il la production d'un verbe : s'être, où s'exprimerait le mode de la subjectivité absolue, en tant que Freud l'a proprement découverte dans son excentricité radicale : "là où c'était, peut-on dire, là où s'était, voudrions-nous faire qu'on entendît, c'est mon devoir que je vienne à être." [Et non pas comme dans cette traduction idiote : "le moi doit déloger le ça."] - 427 - c'est morcelé qu'il porte la parole, et c'est entier qu'il sert à ne pas l'entendre. / C'est en effet dans la désagrégation de l'unité imaginaire que constitue le moi, que le sujet trouve le matériel signifiant de ses symptômes. - 425 - [dans l'analyse américaine] il n'y a pas d'autre discrimination de la partie saine du moi du sujet que son accord avec votre optique [de psychanalyste] qui, pour être supposée saine, devient ici la mesure des choses, de même qu'il n'y a pas d'autre critère de guérison que l'adoption complète [par identification au moi de l'analyste] par le sujet de cette mesure qui est la vôtre

1955/56 - Les psychoses - 23 - Aristote faisait remarquer qu'il ne faut pas dire que l'homme pense, mais qu'il pense avec son âme. De même, je dis que le sujet se parle avec son moi. - [Le psychotique se trouve] complètement identifié avec son moi avec lequel il parle - 107 - Si la relation agressive intervient dans cette formation qui s'appelle le moi, c'est qu'elle en est constituante, c'est que le moi est d'ores et déjà par lui-même un autre, qu'il s'instaure dans une dualité interne au sujet. Le moi est ce maître que le sujet trouve dans un autre, et qui s'instaure dans sa fonction de maîtrise [plutôt que fonction de "synthèse", puisque de synthèse il n'y a justement pas dans le conflit qui oppose les pulsions au moi] aucœur de lui-même. - 120 - Chez Freud, la question du centre du sujet, reste toujours ouverte. - Or, le virage qui s'est opéré dans l'analyse à peu près vers le temps de la mort de Freud, conduit à retrouver ce bon vieux centre de toujours, le moi qui tient les leviers de commande, et guide la défense. La PSYCHOSE n'est plus interprétée à partir de l'économie complexe d'une dynamique des pulsions, mais à partir des procédés employés par le moi pour s'en tirer avec diverses exigences, pour se défendre contre des pulsions. - 121 - Le moi redevient non seulement le centre, mais la cause du trouble. / Le terme de défense n'a plus dès lors d'autre sens que celui qu'il a lorsqu'on parle de se défendre contre une tentation, et toute la dynamique du cas Schreber nous est expliquée à partir des efforts du moi pour s'en tirer avec une pulsion dite homosexuelle qui menacerait sa complétude. La castration n'a plus d'autre sens symbolique que celui d'une perte de l'intégrité physique. [l'hallucination serait une de ces néo-productions de défense, en l'absence de toute attache fiable du moi avec la réalité] - 165 - un ego n'est jamais tout seul. Il comporte toujours un étrange jumeau, le moi idéal - La phénomènologie la plus apparente de la psychose nous indique que ce moi parle. C'est une fantaisie, mais à la différence de la fantaisie, ou du fantasme, que nous mettons en évidence dans les phénomènes de la névrose, c'est une fantaisie qui parle, ou plus exactement, c'est une fantaisie parlée. - Avec l'impertinence qui (...) me caractérise, je l'ai désigné comme le discours de la liberté, essentiel à l'homme moderne en tant que structuré par une certaine conception de son autonomie. - Il n'y a donc pas d'ego sans ce jumeau, disons, gros de délire. Notre patient (...) se dit être un cadavre lépreux qui traîne après lui un autre cadavre lépreux. Belle image en effet pour le moi, car il y a dans le moi quelque chose de fondamentalement mort, et toujours doublé de ce jumeau, qui est le discours.

1957 - L'instance de la lettre dans l'inconscient - 524 - Quel est donc cet autre à qui je suis plus attaché qu'à moi, puisqu'au sein le plus assenti de mon identité à moi-même, c'est lui qui m'agite ? - Sa présence ne peut être comprise qu'à un degré second de l'altérité, qui déjà le situe lui-même en position de médiation par rapport à mon propre dédoublement d'avec moi-même comme d'avec un semblable. - Si j'ai dit que l'ics est le discours de l'Autre avec un grand A, c'est pour indiquer l'au-delà où se noue la reconnaissance du désir au désir de reconnaissance.

1957/58 - Les formations de l'inconscient - 25/06/58 - de même que c'est au niveau du masque que l'hystérique essayait de repérer les difficultés de sa position - C'est au contraire sur ce qu'on peut appeler la place-forte de son moi que l'obsessionnel se situe pour essayer de trouver la place de son désir. - [comme] ces fameuses fortifications à la Vauban dont j'ai parlé ailleurs, ces sortes de forteresses dans lequelles un désir toujours menacé de destruction se remparde - [l'obsessionnel] le fait sur le modèle de son moi, et par rapport bien entendu à l'image de l'autre. - [Il y a toujours pour lui une référence, un camarade, un frère plus puissant, plus viril, image de la puissance.]

1960 - Subversion du sujet et dialectique du désir - 809 - Quoi qu'il en soit, ce que le sujet trouve en cette image altérée de son corps, c'est le paradigme de toutes les formes de la ressemblance qui vont porter sur le monde des objets une teinte d'hostilité en y projetant l'avatar de l'image narcissique, qui, de l'effet jubilatoire de sa rencontre au miroir, devient dans l'affrontement au semblable le déversoir de la plus intime agressivité. C'est cette image qui se fixe, moi idéal, du point où le sujet s'arrête comme idéal du moi. -

1960/61 - Le Transfert - 419 - [Pour Freud, dans l'angoisse]Le moi retire l'investissement préconscient (...) de ce qui, dans la pulsion, est représentant. Ce cher représentant est à refouler. Il se tranforme (...) en déplaisir et Angst . - 420 - si on l'applique à notre propre formulation - Cela veut dire que l'angoisse se produit quant l'investissement du petit a est reporté sur le S barré. Seulement le S barré n'est pas quelque chose de saisissable, et ne peut être conçu que comme une place - ordinairement occupée par ce qui se produit d'homologique à l'étage inférieur du graphe, i(a) . - 421 - Disons avec Freud que le signal d'angoisse se produit au niveau du moi. - 422 - [ou plus exactement] un quelque part que peut occuper le i(a) - 423 - Si l'intactitude, l'intouchabilité de cette image [spécialement pour l'obsessionnel] n'était pas soigneusement préservée, ce qui surgirait serait bel et bien l'angoisse. - Et l'angoisse devant quoi ? - 424 - [devant l'autre] en tant que a , non pas l'image de lui-même, mais comme l'objet de son désir. - Sans doute l'angoisse se produit-elle topiquement à la place définie par i(a) (...) mais il n'y a de signal d'angoisse que pour autant qu'il se rapporte à un objet de désir, en tant que celui-ci perturbe précisément le moi idéal - 436 - [cf. schéma du bouquet renversé] vous le voyez apparaître en quelque sorte derrière i(a) , (...) cette position n'est pas sans avoir un répondant phénoménologique (...) : une idée derrière la tête . Pourquoi donc les idées qui sont généralement celle qui nous soutiennent seraient-elles qualifiées de derrière la tête ? - la position de S dans le champ de l'Autre (...) n'y est repérable qu'en un point grand I, en tant que distinct de la place où i'(a) se projette. - Si der Shatten , l'ombre, cette opacité essentielle qu'apporte dans le rapport à l'objet la structure narcissique, est surmontable, c'est pour autant que le sujet peut s'identifier ailleurs. - 451 - [cette ombre] j'irai bien aujourd'hui jusqu'à l'appeler la tache de moisi - (...) puisque le moi y est inclus. - Dans l'odeur de rat crevé qui effleure du linge pour peu qu'on le laisse séjourner sur le rebord d'une baignoire, ne faut-il pas repérer un signe humain essentiel ?