Beau

1959/60 - L'éthique de la psychanalyse - 279 - le beau a pour effet de suspendre, d'abaisser, de désarmer, dirai-je, le désir. La manifestation du beau intimide, interdit le désir. - 302 - [la limite de la seconde mort] Je vous l'ai déjà produite dans Sade, comme celle qui voudrait traquer la nature dans le principe même de sa puissance formatrice, réglant les alternances de la corruption et de la génération. - une transgression est possible, qu'il appelle le crime. - 303 - par le crime, il est au pouvoir de l'homme de délivrer la nature des chaînes de ses propres lois [cf. l'expression "contre-nature"] - Ce n'est pas pour rien que le crime est pour nous un horizon de notre exploration du désir, et que ce soit à partir d'un crime originel que Freud ait dû tenter de reconstruire la généalogie de la loi. - Dans le scénario sadique typique, la souffrance ne mène pas la victime à ce point qui la disperse, et qui l'anéantit. Il semble au contraire que l'objet des tourments doive conserver la possibilité d'être un support indestructible. - Et c'est en cela que gît la conjonction entre les jeux de la douleur et les phénomènes de la beauté - Je vous le montrerai dans le texte de Sade si manifeste que l'on finit par ne plus le voir. Les victimes sont toujours parées, non seulement de toutes les beautés, mais de la grâce [éternelle] même, qui en est la fleur dernière. - 304 - Les formes qui sont à l'œuvre dans la connaissance, nous dit Kant, sont intéressées dans le phénomène du beau, mais sans que l'objet soit concerné. Ne saisissez-vous pas l'analogie avec le fantasme sadique ? - où l'objet n'est là que comme pouvoir d'une souffrance, qui n'est elle-même que le signifiant d'une limite. La souffrance est là conçue comme une stase qui affirme que ce qui est [existence] ne peut pas rentrer dans le néant d'où il est sorti. C'est bien ici la limite que le christianisme a érigée à la place de tous les autres dieux, sous la forme de cette image exemplaire tirant à elle secrètement tous les fils de notre désir - l'image de la crucifixion.

1960/61 - Le Transfert - 20 - ce besoin d'en rajouter que j'ai toujours, et qui est à chercher dans mon goût de faire beau. [Lacan] - 23 - Que les analystes eux-mêmes - j'espère qu'ici, personne ne se sentira visé - ne se recommandent pas par un agrément corporel, c'est en quoi la laideur socratique donne son plus noble antécédent, en même temps, d'ailleurs, qu'elle nous rappelle que ce n'est pas du tout un obstacle à l'amour. - [Socrate, l'analyste] franchement, il porte toutes les marques de l'intouchable. - En somme l'analyse est la seule praxis où le charme soit un inconvénient. Il romprait le charme. Qui donc a entendu parler d'un analyste de charme ? - 152 - [Diotime] introduit la thématique de l'amour et du beau. 153 - Le beau est le mode d'une sorte d'accouchement (...) de la pénible menée de tout ce qui est mortel vers ce à quoi il aspire, c'est-à-dire l'immortalité. - 154 - S'il y a deux désirs chez l'homme, qui le captent, d'une part dans le rapport à l'éternité, et d'autre part, dans le rapport de génération, avec la corruption et la destruction qu'il comporte, c'est le désir de mort en tant qu'inapprochable , que le beau est destiné à voiler. - Le désir de beau, désir en tant qu'il s'attache à ce mirage, qu'il y est pris, est ce qui répond à la présence cachée du désir de mort. Le désir du beau, c'est ce qui, inversant cette fonction, fait le sujet choisir sa trace, les appels, de ce que lui offre l'objet, ou certains entre les objets.

1963 - Kant avec Sade - 776 - la fonction de la beauté : barrière extrême à interdire l'accès à une horreur fondamentale.