Crime

1932 - Thèse - 302 - [la doctrine freudienne permet d'établir une distinction entre les crimes du Moi (où rentrent tous les crimes dits d'intérêts) et les crimes du Soi (où rentrent les crimes purement pulsionnels, tels qu'on les rencontre typiquement dans la démence précoce.[le criminel ne veut tuer ici non plus son moi ou son sur-moi, mais sa maladie ou, plus généralement, le "mal": agression symbolique] - Entre ces deux classes (...) notre étude permet de déterminer un type de crimes, les crimes des délires de quérulance et des délires d'autopunition , qui sont des crimes du Surmoi. - [intermédiaire entre le Moi et le Soi] - 303 - dans la technique [psychanalytique] applicable aux psychoses en clinique fermée (...) on trouve un test d'évaluation rigoureuse des pulsions agressives d'un sujet donné. -

1933 - "Motifs du crime paranoïaque..." (Thèse) - 392 - La pulsion agressive, qui se résout dans le meurtre, apparaît (...) comme l'affection qui sert de base à la psychose. On peut la dire inconsciente, ce qui signifie que le contenu intensionnel qui la traduit dans la conscience ne peut se manifester sans un compromis avec les exigences sociales intégrées par le sujet, cad sans un camouflage de motifs, qui est précisément tout le délire. Mais cette pulsion est empreinte en elle-même de relativité sociale : elle a toujours l'intentionnalité d'un crime, presque constamment celle d'une vengeance, souvent le sens d'une punition, cad d'une sanction issue des idéaux sociaux, parfois enfin elle s'identifie à l'acte achevé de la moralité, elle a la portée d'une expiation (autopunition).- 393 - Le contenu intellectuel du délire nous apparaît (...) comme une superstructure à la fois justificative et négatrice de la pulsion criminelle [elle la diffère : délirer c'est différer un meurtre]. Nous le concevons donc comme soumis aux variations de cette pulsion, à la chute qui résulte par exemple de son assouvissement - Les défaut corrélatifs des descriptions et des explications classiques, ont longtemps fait méconnaître l'existence, pourtant capitale, de telles variations, en affirmant la stabilité des délires paranoïaques, alors qu'il n'y a que constance de structure [la psychose (structure) n'est pas le délire] -

1950 - Fonctions de la psychanalyse en criminologie - 129 - la première situation dont encore nous sommes redevables à l'initiative freudienne d'avoir amené la notion (...) c'est justement celle du crime dans ses deux formes les plus abhorrées, l'Inceste et le Parricide, dont l'ombre engendre toute la pathogénie de l'Œdipe. - 130 - Dieu est mort, plus rien n'est permis. [= névrose] / Ces maux et ces gestes, la signification de l'auto-punition les couvre tous. Va-t-il donc falloir l'étendre à tous les criminels (...) ? - 132 - les effets psychopathologiques en leur majeure partie (...) où sont révélées les tensions issues de l'œdipisme (...) expriment une déhiscence du groupe familial au sein de la société. - 132 - [le crime] l'individu en tant qu'il est normal s'en sert pour des conduites réelles ; en tant qu'il est psychopathe, il les exprime par des conduites symboliques - 133 - Cette conception qui se justifie par la réduction de plus en plus étroite de ce groupe à sa forme conjugale, et par la conséquence qui s'ensuit du rôle formateur de plus en plus exclusif qui lui est réservé dans les premières identifications de l'enfant comme dans l'apprentissages des premières disciplines, explique l'accroissement de la puissance captatrice de ce groupe sur l'individu à mesure même du déclin de sa puissance sociale. - 141 - Ainsi la tension agressive intégrant la pulsion frustrée chaque fois que le défaut d'adéquation de l'"autre" [dans la dialectique du moi et de son semblable - la pulsion se faisant alors pulsion de mort] fait avorter l'identification résolutive, elle détermine par là un type d'objet qui devient criminogène dans la suspension de la dialectique du moi. – 135 - en irréalisant le crime, elle [la psychanalyse] ne déshumanise pas le criminel.

1959/60 - L'éthique de la psychanalyse - 302 - [la limite de la seconde mort] Je vous l'ai déjà produite dans Sade, comme celle qui voudrait traquer la nature dans le principe même de sa puissance formatrice, réglant les alternances de la corruption et de la génération. - une transgression est possible, qu'il appelle le crime. - 303 - par le crime, il est au pouvoir de l'homme de délivrer la nature des chaînes de ses propres lois [cf. l'expression "contre-nature"] - Ce n'est pas pour rien que le crime est pour nous un horizon de notre exploration du désir, et que ce soit à partir d'un crime originel que Freud ait dû tenter de reconstruire la généalogie de la loi. - Dans le scénario sadique typique, la souffrance ne mène pas la victime à ce point qui la disperse, et qui l'anéantit. Il semble au contraire que l'objet des tourments doive conserver la possibilité d'être un support indestructible. - Et c'est en cela que gît la conjonction entre les jeux de la douleur et les phénomènes de la beauté - Je vous le montrerai dans le texte de Sade si manifeste que l'on finit par ne plus le voir. Les victimes sont toujours parées, non seulement de toutes les beautés, mais de la grâce [éternelle] même, qui en est la fleur dernière. - 304 - Les formes qui sont à l'œuvre dans la connaissance, nous dit Kant, sont intéressées dans le phénomène du beau, mais sans que l'objet soit concerné. Ne saisissez-vous pas l'analogie avec le fantasme sadique ? - où l'objet n'est là que comme pouvoir d'une souffrance, qui n'est elle-même que le signifiant d'une limite. La souffrance est là conçue comme une stase qui affirme que ce qui est [existence] ne peut pas rentrer dans le néant d'où il est sorti. C'est bien ici la limite que le christianisme a érigée à la place de tous les autres dieux, sous la forme de cette image exemplaire tirant à elle secrètement tous les fils de notre désir - l'image de la crucifixion.