Désir

1951 - Quelques réflexions sur l'Ego -L'objet du désir de l'homme est essentiellement un objet désiré par quelqu'un d'autre -

1953 - Les écrits techniques de Freud - 170 - l'homme, dans ses premières phases, n'arrive pas d'emblée (...) à un désir surmonté. Ce qu'il reconnaît et fixe dans cette image de l'autre, c'est un désir morcelé. - Ce que le sujet trouve dans l'autre, c'est d'abord une série de plans ambivalents, d'aliénations de son désir - d'un désir encore en morceaux.

1953 - Fonction et champ de la parole… - 203 - le moment où le désir s'humanise est aussi celui où l'enfant naît au langage. - il y élève son désir à une puissance seconde. Car son action détruit l'objet qu'elle fait apparaître et disparaître [être/langage] dans la provocation anticipante de son absence et de sa présence. Elle négative ainsi le champ de force du désir pour devenir à elle-même son propre objet. - 204 - Fort! Da! - Ainsi le symbole se manifeste d'abord comme meurtre de la chose, et cette mort constitue dans le sujet l'éternisation de son désir.

1953/54 - Les écrits techniques de Freud - le sujet s'épuise à poursuivre le désir de l'autre, qu'il ne pourra jamais saisir comme son désir propre, parce que son désir propre est le désir de l'autre. C'est lui-même qu'il poursuit. - 247 - La relation intersubjective qui sous-tend le désir pervers ne se soutient que de l'anéantissement, ou bien du désir de l'autre, ou bien du désir du sujet. - cette relation dissout l'être du sujet. L'autre sujet se résout à n'être qu'un instrument du premier, qui reste donc le seul sujet comme tel, mais celui-ci même se réduit à n'être qu'une idole offerte au désir de l'autre. / Le désir pervers se supporte de l'idéal d'un objet inanimé. Mais il ne peut pas se contenter de la réalisation de cet idéal. Dès qu'il le réalise, au moment même où il le rejoint, il perd son objet. - soit le désir s'éteint, soit l'objet disparaît.

1954/55 - Le moi dans la théorie de Freud... - 196 - C'est l'image de son corps qui est le principe de toute unité qu'il [l'homme] perçoit dans les objets. Or, de cette image même, il ne perçoit l'unité qu'au-dehors [qu'au lieu de l'autre], et d'une façon anticipée. Du fait de cette relation double qu'il a avec lui-même, c'est toujours autour de l'ombre errante de son propre moi que se structureront tous les objets de son monde. - Le désir a un caractère radicalement déchiré. L'image même de l'homme y apporte une médiation, toujours imaginaire, toujours problématique - Si l'objet perçu au-dehors a sa propre unité, celle-ci met l'homme qui la voit en état de tension, parce qu'il se perçoit lui-même comme désir, et désir insatisfait. Inversement, quand il saisit son unité, c'est le monde au contraire qui pour lui se décompose, perd son sens - 199 - oscillation imaginaire - la seconde partie du rêve de l'injection d'Irma met en évidence ces composés fondamentaux du monde perceptif que constitue le rapport narcissique. - Le reflet du sujet (...) se retrouve toujours quelque part dans tout tableau perceptif - l'objet n'est jamais appréhendé qu'à travers la grille du rapport narcissique. - 209 - La connaissance humaine (...) est faite d'un certain rapport à cette structure que nous appelons l'ego [MOI] , autour de laquelle se centre la relation imaginaire. - [cet ego ] prend son départ et son point d'appui dans l'autre. C'est de cet ego que tous les objets sont regardés. / Mais c'est bien du sujet, d'un sujet primitivement désaccordé, fondamentalement morcelé par cet ego , que tous les objets sont désirés. - 210 - Le sujet ne peut pas désirer sans lui-même se dissoudre, et sans voir, de ce fait même, l'objet lui échapper, dans une série de déplacements infinis. - 260 - La libido permet de parler du désir en des termes qui comportent une objectivation relative. - la notion de libido est une forme d'unification du champ des effets psychanalytiques. [mais tout de même peut-être liée à l'introduction du narcissisme : 1915, quelque chose de plus précis] - son usage se situe dans la ligne traditionnelle de toute théorie comme telle, qui tend à aboutir à un monde. - [Or] Rien n'est plus éloigné de l'expérience freudienne. - 261 - Le monde freudien n'est pas un monde des choses, c'est un monde du désir en tant que tel. - Le désir est un rapport d'être à manque. Ce manque est manque d'être à proprement parler. Ce n'est pas manque de ceci ou de cela - La libido, mais non plus dans son usage théorique en tant que quantité, est le nom de ce qui anime le conflit foncier qui est au cœur de l'action humaine. - 263 - le désir sexuel n'a rien d'objectivé dans notre expérience. Ce n'est pas une abstraction, ni un x épuré, comme est devenue la notion de force en physique. - Mais ce à quoi nous avons à faire, c'est à un sujet qui est là, qui est vraiment désirant, et le désir dont il s'agit est préalable à toute espèce de conceptualisation - toute conceptualisation sort de lui. [cf. Freud : la théorie sort de la libido ; elle-même n'est pas théorique, au sens de totale]

1957 - L'instance de la lettre dans l'inconscient - 518 - les énigmes que propose le désir à toute "philosophie naturelle", sa frénésie mimant le gouffre de l'infini (...) ne tiennent à nul autre dérèglement de l'instinct qu'à sa prise dans les rails, - éternellement tendus vers le désir d'autre chose -, de la métonymie. D'où sa fixation "perverse" au même point de suspension de la chaîne signifiante où le souvenir-écran s'immobilise, où l'image fascinante du fétiche se statufie.

1957/58 - Les formations de l'inconscient - 08/01/58 - Le désir arrive (...) comme signifié autre que ce qu'il était au départ, et voilà pourquoi (...) votre désir est toujours cocu. - c'est-à-dire qu'il croise la ligne signifiante, et qu'au niveau de ce croisement (...) il rencontre l'Autre. - vous-mêmes êtes trahi en ceci que votre désir a couché avec le signifiant. C'est essentiel. - 05.03/58 - Rappelons brièvement ceci, que le désir est installé essentiellement dans un rapport à la chaîne signifiante, que le désir se pose et se propose d'abord dans l'évolution du sujet humain comme demande, que la frustration dans Freud est "Versagung", cad refus, plus exactement encore, dédit. - 05/02/58 - il n'y a pas d'état originel ni pur du besoin, et que dès l'origine le besoin est motivé sur le plan du désir, cad de quelque chose qui chez l'homme est destiné à avoir un certain rapport avec le signifiant - quelque chose qui a essentiellement un rapport fondamental avec l'absence de cet objet - [le simple fait de la faim chez l'enfant, du besoin de la faim] c'est quelque chose quis e présente déjà avec un caractère d'excès si je puis dire, d'exorbitant, c'est justement ce qu'on a déjà défendu à l'enfant, le rêve de la petite Anna Freud : cerises, fraises, framboises, flan, tout ce qui est déjà entré dans une caractéristique proprement signifiante (...), qui consiste à se présenter sous le mode de festin de choses qui passent les limites justement de ce qui est l'objet naturel de la satisfaction du besoin. -

12/03/58 - [phallus] il y a un point, quelque chose qui doit marquer que mon désir doit être signifié, pour autant qu'il passe nécessairement par une demande que je signifie sur le plan symbolique. Il y a en d'autres termes, l'exigence d'un symbole général de cette marge qui me sépare toujours de mon désir, qui fait mon désir être toujours marqué de cette altération par l'entrée dans le signifiant. - le sujet dans son pouvoir de sujet doit tenir ce pouvoir d'un signe [car seul le signe est symbole du manque, du manque de la chose], et que ce signe il ne l'obtient qu'à se mutiler de quelque chose - 12/03/58 - [le désir a pour fonction] de ramasser, de concentrer ce que nous avons dit comme une demande signifiée. - signifiée, au sens où je vous signifie quelque chose - le désir du sujet déjà est en tant que tel modelé par les conditions de la demande [le fait de devoir l'adresser à l'autre, lui signifier dans la demande, est une aliénation à son désir et aussi au signifiant] - 09/04/58 - au niveau de la reconnaissance, (...) ce qui est en jeu, ce n'est pas la lutte et le conflit [comme chez Hegel], mais (...) la demande - [cad la] parole de l'Autre qui modifie, aliène profondément la nature [du] désir. - [On distingue d'abord dans la demande] cet objet oral qui, dans la mesure où il est demandé sur le plan oral, est incorporé, [puis] cet objet anal qui devient [inversement] le support de cette dialectique du don anal primitif, lié essentiellement chez le sujet au fait qu'il satisfasse ou non la demande éducative, cad en fin de compte, qu'il accepte ou non de lâcher un objet symbolique. - [au stade dit génital, à travers l'Œdipe d'ailleurs, le désir se détache de la demande] le sujet à un moment a affaire à l'autre désir - Il reconnaît un désir au-delà de la demande - 23/04/58 - [Cf. pp. 227 ss et 297 ss commentaires du graphe p. 361, 297, etc.] - 21/05.58 - [le désir] est à la fois au-delà et en-deça [de la demande : cf. les deux lignes de la demande sur le graphe], selon la face ou l'aspect sous lequel nous envisageons la demande, à savoir en tant que demande par rapport à un besoin, ou que demande en tant que structurée en termes de signifiant [= demande d'amour : présence/absence] - 11/06/58 - [le désir] se produit dans la marge qui existe entre la demande de satisfaction du besoin et de la demande d'amour - 26/03/58 - ce qu'il saisit [l'homme], ou ce dont il jouit, c'est d'autre chose que du rapport à l'objet, mais d'un rapport à son désir. - ce désir est [donc] déjà fondamentalement quelque chose de pervers - [perversion - jouissance] - 26/03/58 - N'oublions pas jusque là les signes, les incarnations religieuses par exemple où nous reconnaissons ce complexe de castration, la circoncision (...), ou encore telle ou telle forme d'inscription, de marque dans les rites de puberté, de tatouage - il y a un rapport étroit, intime entre le désir et la marque. - Nous retrouvons [là] cette confrontation du signifiant et du désir - [un désir] fondamentalement perverti, marqué. [perversion] - [Pervers en ceci que] Le rapport de l'homme au désir n'est pas un rapport pur et simple de désir, - il jouit de son désir - [cf. Jouissance, ici]

- 09/04/58 - [le désir hystérique est un désir fondamentalement insatisfait] on peut dire que l'hystérique est suspendue à cette première étape, à ce clivage nécessaire (...) entre la demande et le désir. - [Cf. le rêve de la belle bouchère] - Cette malade très éprise de son mari, que demande-t-elle ? C'est l'amour, et les hystériques comme tout le monde, à ceci près que chez elles c'est plus encombrant - Que désire-t-elle ? Elle désire du caviar. - Et que veut-elle ? Elle veut qu'on ne lui donne pas de caviar. [comme son amie, à qui elle s'identifie, pour ne pas grossir et ainsi satisfaire son mari]. - elle veut qu'il ne lui donne pas de caviar pour qu'on puisse continuer à s'aimer à la folie, cad à se taquiner, se faire des misères à perte de vue. - Le désir dont le sujet fait état, c'est aussi [donc] le désir préféré [mais interdit] de l'autre, et même il ne lui reste que cela au moment où elle ne va pas pouvoir donner un dîner - En d'autres termes, c'est pour autant que le désir de l'autre est barré, qu'il [le sujet] va reconnaître son désir barré, son désir insatisfait à lui - l'hystérie dans le rapport de l'homme au signifiant, est une structure tout à fait primordiale - cad qu'il y a quelque chose toujours qui reste au-delà de ce qui peut se satisfaire [bien que l'hystérique refuse en même temps cette satisfaction]

- 16/04/58 - [Le symptôme est le masque du désir.] La notion de masque, cad que ce désir sous cette forme ambiguë qui ne nous permet pas (...) d'orienter le sujet vers tel ou tel objet de la situation [dont il se satisferait], c'est cet intérêt du sujet dans la situation comme tel, cad dans la relation de désir [elle-même] - [inépuisable] lien du désir lui-même, en tant que le désir lui-même reste un point d'interrogation, un X, une énigme, avec le symptôme dont il se revêt, c'est-à-dire avec le masque - Le symptôme est donc quelque chose qui va dans la sens de la reconnaissance du désir - [mais] c'est une reconnaissance par personne (...) puisque personne [avant la cure] (...) ne peut la lire. - Et d'autre part, si c'est désir de reconnaissance, en tant que c'est désir de reconnaissance, c'est autre chose que le désir. D'ailleurs on nous le dit bien : ce désir est un désir refoulé. [REFOULEMENT] - le masque se constitue dans l'insatisfaction - il y aurait en somme autant de masques que de formes d'insatisfactions.

- 16/04/58 - [C'est seulement dans le rêve que Freud nous parle de satisfaction du désir.] - Donc d'ores et déjà il apparaît dans l'expérience que le désir est lié à quelque chose qui est son apparence (...) son masque - ce caractère qui est inhérent au désir en tant que désir pervers [perversion], qui est d'être une sorte de désir au second degré de jouissance du désir en tant que désir [cad non pas satisfaction du désir, mais jouissance au désir]

- 07/05/58 - en accédant à la place du désir, l'autre ne devient pas du tout comme on nous le dit, l'objet total, mais le problème est celui-ci : c'est qu'il devient totalement objet, en tant qu'instrument du désir. C'est bien ce qu'il devient, et il s'agit de maintenir comme compatible [cela avec la] (...) position de l'autre en tant qu'Autre, cad en tant que lieu de la parole, celui auquel s'adresse la demande, (...) celui dont l'irréductibilité radicale d'autre se manifeste en tant qu'il peut donner l'amour, cad quelque chose qui est d'autant plus totalement gratuit, qu'il n'y a aucun support de l'amour, que comme je vous l'ai dit : donner son amour, c'est (...) donner comme tel rien de ce qu'on a

- 07/05/58 - [sexualité] Il y a besoin d'un au-delà de la demande pour autant (...) que la demande par ses nécessités articulatoires [de langage], dévie, change, transpose le besoin. Il y a donc la possibilité d'un résidu. - c'est cela que nous appelons désir - nous devons retrouver quelque chose où l'autre perde sa prévalence, où (...) le besoin en tant qu'il part du sujet, reprend la première place. - il s'agit précisément de trouver (...) la marge de ce qui s'est perdu dans cette demande, et l'au-delà c'est précisément le caractère de condition absolue qui est dans le désir, ce qui se présente dans le désir comme tel, c'est ce quelque chose qui est emprunté bien entendu au besoin sexuel. Comment ferions-nous nos désirs, si ce n'est en empruntant la matière première à nos besoins ? Mais cela passe à un caractère non pas d'inconditionné [comme la demande], puisqu'il s'agit de quelque chose d'emprunté à un besoin particulier, mais d'une condition absolue, sans mesure avec aucune proportion du besoin à un objet quelconque, (...) elle abolit là la dimension de l'autre, (...) c'est une exigence où l'autre n'a pas à répondre oui ou non. - Le désir (...) c'est ce quelque chose d'arraché au terrain des besoins, qui prend forme de condition absolue par rapport à l'autre. C'est précisément la marge, le résultat de la soustraction si l'on peut dire, de l'exigence du besoin par rapport à la demande d'amour. - C'est en raison de cela que le désir sexuel va venir à cette place, justement dans la mesure où le désir sexuel se présente par rapport au sujet (...) essentiellement problématique , et sur deux plans - un besoin qui incontestablement le pousse à des extrêmités aberrantes, pour la raison qu'il ne correspond à aucun besoin immédiatement rationalisable, mais qui introduit dans l'individu, disons ce qu'on a appelé la dialectique de l'espèce. - D'autre part, au regard de la demande d'amour (...), dans toutes les langues, formuler sa demande est problématique - [car en matière sexuelle] se profile ceci : c'est que l'autre entre en jeu (...) sous la forme de l'instrument du désir. - il n'y a pas de mot pour exprimer (...) le désir, pour exprimer le désir, comme la sagesse populaire le sait dort bien, il n'y a que du baratin. La question du signifiant du désir se pose donc comme telle, et c'est pour cela que ce qui l'exprime n'est pas un signifiant comme les autres, c'est [côté besoin] quelque chose qui en effet est emprunté à une forme prévalente de la poussée du flux vital (...), mais qui n'en est pas moins pris dans cette dialectique au titre de signifiant - [et côté demande] la mortification ambiguë se présente très précisément sous la forme du VOILE. [particulièrement chez l'hystérique qui suspend si opiniâtrement son désir à la demande] - J'ai fait allusion à ce voile qui recouvre très régulièrement [même chez les primitifs] chez l'homme le phallus. C'est exactement la même chose qui recouvre à peu près normalement la totalité de l'être de la femme, pour autant que ce qu'il s'agit justement qui soit derrière, ce qui est voilé, c'est le signifiant du phallus.

- 14/05/58 - c'est d'abord au niveau de l'autre [de la demande] que se pose (...) le centre de gravité du mouvement constitutif de l'hystérique. - [inversement c'est] la recherche, la visée du désir comme tel, de l'au-delà de la demande qui est constitutive de l'obsessionnel. - [C'est] quelque chose qui justement parce que ça doit se situer dans cet au-delà (...) nie l'élément d'altérité qui est inclus dans la demande d'amour. - dans le désir comme tel à l'état pur, l'autre est nié [car le caractère de condition absolue du désir est] transféré au besoin comme tel. - [d'où les phénomènes d'"idées fixes", avec précisément leur caractère de condition abolue, ici ramenée au niveau du besoin] - le besoin passé à l'état de condition absolue - [la place de l'obsessionnel] ce n'est pas une voie d'accès au désir du sujet, [par] le désir de l'autre, c'est la place tout court du désir - [au point que, par rapport à un éventuel objet, on peut parler d'] une véritable baisse de tension libidinale, au moment où il s'en approche, et au point qu'au moment où il le tient cet objet de son désir, pour lui plus rien n'en existe. - 18/06/58 - son propre désir pour lui, baisse, clignote, vacille et s'évanouit à mesure qu'il s'en approche, portant ici la marque de ceci : que le désir a d'abord été abordé comme quelque chose qui se détruit parce que d'abord la réaction de désir de l'autre, s'est présenté à lui comme quelque chose qui était son rival [cad son image] - l'obsessionnel s'emploie à détruire le désir de l'autre. - ce qui doit être maintenu pour l'obsessionnel c'est la distance à son désir, et non pas la distance à l'objet. - il doit se tenir à une certaine distance de son désir pour que ce désir subsiste. - 25/06/58 - Annuler le désir de l'autre, ce n'est pas la même chose que d'avoir par carence, déficience de l'acte métaphorique (...) été dans l'incapacité de saisir le désir de l'autre [psychose]. - Le rapport primitif du sujet obsessionnel à son désir (...) est dénégation du désir de l'autre. - [naturellement] pour pouvoir parler d'annulation de quoi que ce soit au niveau du sujet, il faut qu'il s'agisse de signifiant

- 14/05/58 - [Graphe p.297, avec : le grand A du grand Autre] où se trouve le code et qui accueille la demande [c'est dans le passage du A au point où est le message que se produit le signifié de l'Autre (les insignes de l'idéal du moi] - [pour que le sujet tienne debout il lui faut 4 points d'appui, un redoublement de la ligne m-i(a) par la ligne d-S?a, et aussi une deuxième chaîne signifiante qui corresponde à cet au-delà de la demande qu'est le désir.] - [S?D = ] la possibilité qu'ici il y ait un rapport du sujet à la demande comme telle - un sujet humain complet n'est jamais un pur et simple sujet, comme toute la philosophie le construit sujet de la connaissance - il y a toujours une "spaltung", cad qu'il y a toujours eux lignes où il se constitue - [En face de la précédente formule, S(A):] Ici, qu'est-ce qui doit se constituer ? C'est précisément ce que j'ai appelé non plus le signifié de A [sA], mais le signifiant de A (...), en tant que cette "spaltung" il l'a connaît [l'autre] - c'est le A donc si vous voulez en tant que le phallus y est barré [ou y est la barre ? Le phallus est-il intérieur/extérieur au signifiant?] - C'est le Autre en tant que châtré, qui ici se représente à la place du message, le message du désir, c'est cela.

- 11/06/58 - nous avons [au désir] son répondant, son support, le point où il se fixe sur son objet qui est bien loin d'être un objet en quelque sorte naturel, [mais] est un objet toujours constitué par une certaine position prise du sujet par rapport à l'autre. - relation fantasmatique [fantasme] dans son essence. - Il s'agit toujours de pulsions -

- 25/06/58 - ce désir du sujet rencontré comme l'au-delà de la demande, est ce qui le fait opaque à notre demande, et ce qui aussi installe son propre discours comme quelque chose qui est absolument nécessaire à notre structure, mais qui nous est par certains côtés impénétrable, qui en fait un discours inconscient [1° car au-delà de la demande (consciente), 2° car c'est le désir de l'autre] -

1958 - La signification du phallus - 691 - La demande en soi porte sur autre chose que sur les satisfactions qu'elle appelle. Elle est demande d'une présence ou d'une absence. Ce que la relation primordiale à la mère manifeste, d'être grosse de cet Autre à situer en deça des besoins qu'elle peut combler. Elle le constitue déjà comme ayant le "privilège" de satisfaire les besoins, cad le pouvoir de les priver de cela seul par quoi ils sont satisfaits. Ce privilège de l'Autre dessine ainsi la forme radicale du don de ce qu'on n'a pas, soit ce qu'on appelle son amour. / C'est par là que la demande annule la particularité de tout ce qui peut être accordé en le transmuant en preuve d'amour, et les satisfactions même qu'elle obtient pour le besoin se ravalent à n'être plus que l'écrasement de la demande d'amour - Il y a donc une nécessité à ce que la particularité ainsi abolie reparaisse au-delà de la demande. Elle y reparaît en effet, mais conservant le structure que recèle l'inconditionné de la demande d'amour. Par un renversement qui n'est pas simple négation de la négation, la puissance de la pure perte surgit du résidu d'une oblitération. A l'inconditionné de la demande, le désir substitue la condition "absolue" : cette condition dénoue en effet ce que la preuve d'amour a de rebelle à la satisfaction d'un besoin. C'est ainsi que le désir n'est ni l'appétit de la satisfaction, ni la demande d'amour, mais la différence qui résulte de la soustraction du premier à la seconde, le phénomène même de leur refente. - 692 - Le phallus est le signifiant privilégié de cette marque où la part du logos [demande?] se conjoint à l'avènement du désir. / On peut dire que ce signifiant est choisi comme le plus saillant de ce qu'on peut attraper dans le réel de la copulation sexuelle, comme aussi le plus symbolique au sens littéral (typographique) de ce terme, puisqu'il équivaut à la copule (logique). On peut dire aussi qu'il est par sa turgidité l'image du flux vital en tant qu'il passe dans la génération. - 693 - Que le phallus soit un signifiant, impose que ce soit à la place de l'Autre que le sujet y ait accès. Mais ce signifiant n'y étant que voilé et comme raison du désir de l'Autre, c'est ce désir de l'Autre comme tel qu'il est imposé au sujet de reconnaître, cad l'autre en tant qu'il est lui-même sujet divisé de la Spaltung signifiante.

1958 - La direction de la cure... - 622 - [Pour la belle bouchère] le saumon fumé, objet du désir de son amie, est tout ce qu'elle a à offrir, Freud en posant que le saumon fumé est ici substitué au caviar qu'il tient d'ailleurs pour le signifiant du désir de la patiente, nous propose le rêve comme métaphore du désir. - le désir d'avoir un désir insatisfait [en l'occurrence] - [Mais ce désir] s'il est signifié [métaphoriquement] comme insatisfait, l'est par le signifiant : caviar, en tant que le signifiant le symbolise comme inaccessible, mais que, dès lors qu'il se glisse comme désir dans le caviar, le désir du caviar est sa métonymie : rendue nécessaire par le manque à être où il se tient. / La métonymie est (...) cet effet rendu possible de ce qu'il n'est nulle signification qui ne renvoie à une autre signification, et où se produit leur plus commun dénominateur, à savoir le peu de sens (communément confondu avec l'insignifiant), (...) qui s'avère au fondement du désir, et lui confère l'accent de perversion qu'il est tentant de dénoncer dans l'hystérie présente. / Le vrai de cette apparence est que le désir est la métonymie du manque à être. - 623 - dans le rêve ne l'intéresse [Freud] que son élaboration. - ce que nous traduisons par sa structure de langage. - [Donc si] l'élaboration du rêve est nourrie par le désir - le désir (...) ne se saisit que dans l'interprétation. - 627 - Le désir est ce qui se manifeste dans l'intervalle que creuse la demande en deçà d'elle-même, pour autant que le sujet en articulant la chaîne signifiante, amène au jour le manque à être avec l'appel d'en recevoir le complément de l'Autre, si l'Autre, lieu de la parole, est aussi le lieu de ce manque. - ce qui est ainsi donné à l'Autre de combler et qui est proprement ce qu'il n'a pas, puisqu'à lui aussi l'être manque, est ce qui s'appelle l'amour, mais c'est aussi la haine et l'ignorance. - 628 - C'est l'enfant que l'on nourrit avec le plus d'amour qui refuse la nourriture et joue de son refus comme d'un désir (anorexie mentale). - En fin de compte, l'enfant en refusant de satisfaire à la demande de la mère, n'exige-t-il pas que la mère ait un désir en dehors de lui, parce que c'est là la voie qui lui manque vers le désir ? - 629 - Il est moins passion pure du signifié que pure action du signifiant -

1958/59 - Le désir et son interprétation - 12/11/58 - Le désir, dès son apparition (...) se manifeste dans cet intervalle, cette béance qui sépare l'articulation pure et simple, langagière de la parole, de ceci (...) [que l'on appelle] son être. - l'inconscient [est] cad ce quelque chose qui met toujours le sujet à une certaine distance de son être, et qui fait que précisément cet être ne le rejoint jamais, et que c'est pour cela qu'il est nécessaire qu'il ne peut faire autrement que d'atteindre son être dans cette métonymie de l'être dans le sujet qu'est le désir. Et pourquoi ? Parce qu'au niveau où le sujet est engagé, entré lui-même dans la parole et par là dans la relation à l'autre comme tel, comme lieu de la parole, il y a un signifiant qui manque toujours. Pourquoi ? Parce que c'est un signifiant, et ce signifiant est spécialement délégué au rapport du sujet avec le signifiant. Ce signifiant a un nom, c'est le PHALLUS. Le désir est est la métonymie de l'être dans le sujet ; le phallus est la métonymie du sujet dans l'être. - Le phallus, pour autant qu'il est élément signifiant soustrait à la chaîne de la parole - 12/11/58 - si en effet le désir semble entraîner avec soi un certain quantum d'amour, c'est justement et très précisément, et très souvent d'un amour qui se présente (...) comme conflictuel - 19/11/58 - "vous êtes belle", autour de quoi se fixent, se condensent toutes ces images énigmatiques dont le flot s'appelle pour moi mon désir, à savoir : je vous désire parce que vous êtes l'objet de mon désir, autrement dit vous êtes le commun dénominateur de mes désirs. - Dire à quelqu'un : je vous désire, c'est très précisément lui dire, mais cela ce n'est pas l'expérience qui le donne toujours, sauf pour les braves et instructifs petits pervers, petits et grands, c'est dire : je vous implique dans mon fantasme fondamental. - 17/12/58 - Ce à quoi le désir a à s'affronter, c'est à cette crainte qu'il ne se maintienne pas - le sujet redoute [parfois] la satisfaction de son désir comme le faisant dépendre désormais justement de celui ou de celle qui va le satisfaire, à savoir de l'autre. [d'où l'impuissance] - C'est qu'il faut que le désir subsiste dans cette occasion, dans une certaine rétention de l'objet comme nous disons, en faisant intervenir la métaphore anale. Mais c'est pour autant que cet objet retenu n'est lui-même l'objet d'aucune autre jouissance, que cette rétention sert de support du désir - il est tout à fait concevable [en effet] humainement d'avoir un bien dont on ne jouisse pas, et que ça soit un autre qui en jouisse. - [ici l'objet sert de gage du désir, pour ne pas dire d'otage] - 07/01/59 - [chez l'homme] le désir se trouve au delà de la relation amoureuse de la part de L'HOMME. J'entends pour autant que la femme symbolise le phallus, que l'homme y retrouve le complément de son être - ce que la FEMME trouve dans l'homme, c'est le phallus réel, et donc son désir y trouve toujours sa satisfaction. Mais justement c'est dans la mesure où la satisfaction se produit sur le plan réel que ce que la femme effectivement aime, et non pas désire, c'est (…) l'homme en tant qu'il est privé de phallus, en tant précisément que de par sa nature d'être achevé, d'être parlant, il est châtré. - 20/05/59 - ("Wo Es war, soll Ich werden") qu'est-ce qui nous désigne la place de ce je qui doit advenir au jour ? - très exactement ce dont il s'agit, du désir - 03/06/59 - il n'y a rien qui constitue plus le dernier terme de la présence du sujet (...) que le désir. - nous dirons qu'au niveau du désir le sujet se compte. Il se compte (...) sur la langue - il y a quand même un moment où il faut payer comptant. Si les gens viennent nous trouver, c'est en général pour cela, c'est parce que ça ne marche pas au moment de payer comptant, de quoi qu'il s'agisse, du désir sexuel, ou de l'action au sens plein et au sens le plus simple - 03/06/59 - la comédie est un très curieux attrape-désir - le désir, dans la comédie, est démasqué, mais non réfuté. - [Alors que] la tragédie finit avec le nom et avec la totale identification du héros. Hamlet est Hamlet, il est tel nom. C'est même parce que son père était déjà Hamlet qu'en fin de compte tout se résout là, à savoir qu'Hamlet est définitivement aboli dans son désir. - 10/06/59 - Le désir, de toutes les demandes, se distingue en ceci qu'il est une demande soumise à la loi. - 17/06/59 - au-delà de toutes les sublimations de l'amour, le désir a un rapport à l'être même sous sa forme la plus limitée, la plus bornée, la plus fétichiste [cad se rapporte à un objet dans le fantasme] et, pour tout dire, la plus stupide. - si un homme désire une autre femme, elle [sa femme, la légitime] sait que même si ce que l'homme aime c'est son soulier, ou le bas de sa robe ou la peinture qu'elle a sur le visage, c'est néanmoins de ce côté-là que l'hommage à l'être se produit. -01/07/59 - le désir n'a pas d'autre objet que le signifiant de sa RECONNAISSANCE. Le caractère de l'objet en tant qu'il est l'objet du désir, nous devons donc aller le chercher là où l'expérience humaine nous le désigne (...) le fétiche.  - 01/07/59 - [analyse] Nous nourrissons le désir du sujet pour un autre que nous, nous nous trouvons dans cette situation paradoxale d'être les entremetteurs, les accoucheurs [cf. Socrate!], ceux qui président à l'avènement du désir.

1959/60 - L'éthique de la psychanalyse - 279 - le beau a pour effet de suspendre, d'abaisser, de désarmer, dirai-je, le désir. La manifestation du beau intimide, interdit le désir. - 364 - un jugement éthique est possible - Avez-vous agi conformément au désir qui vous habite ? - 363 - [Au contraire] La morale du pouvoir, du service des biens, c'est - Pour les désirs, vous repasserez. Qu'ils attendent. - 368 - Je propose que la seule chose dont on puisse être coupable, au moins dans la perspective analytique, c'est d'avoir cédé sur son désir. - 370 - Ce que j'appelle céder sur son désir s'accompagne toujours dans la destinée du sujet (...) de quelque trahison. Ou le sujet trahit sa voie, se trahit lui-même, et c'est sensible pour lui-même. Ou plus simplement il tolère que quelqu'un avec qui il s'est plus ou moins voué à quelque chose ait trahit son attente, n'ait pas fait à son endroit ce que comportait le pacte - Quelque chose se joue autour de la trahison, quand on la tolère, quand, poussé par l'idée du bien (...) on cède au point de rabattre ses propres prétentions

1960 - Subversion du sujet et dialectique du désir - 814 - le désir de l'homme est le désir de l'Autre, où le de donne la détermination dite par les grammairiens subjective, à savoir que c'est en tant qu'Autre qu'il désire - là se voit que la nescience où reste l'homme de son désir est moins nescience de ce qu'il demande, qui peut après tout se cerner, que nescience d'où il désire.

1960/61 - Le Transfert - 14 - au mieux, l'acte ne présente au désir que son exploit, sa geste héroïque - 46 - Il y a deux choses dans mon discours passé que j'ai notées concernant l'amour, et je vous les rappelle. La première est que l'amour est un sentiment comique [le tragique renverrai à une conception de l'amour divin, plato et néoplatonicien]. - La seconde (...) c'est que l'amour, c'est de donner ce qu'on a pas. [exit la complémentarité] - l'amour grec nous permet de dégager dans la relation de l'amour les deux partenaires au neutre. Il s'agit de ce quelque chose de pur qui s'exprime naturellement au genre masculin - saisir le moment de bascule, de retournement où de la conjonction du désir avec son objet en tant qu'inadéquat, doit surgir cette signification qui s'appelle l'amour - [l'amour surgit comme signification parce qu'il est transfert de a à z, cad comme métaphore, simple 'transport' ou substitut de ce qu'il en est réellement du désir et qui ne peut qu'échouer à son objet]

- 79 - après toutes les belles choses qu'Agathon à son tour aura dites de l'amour - D'un seul trait, Socrate sape tout cela à la base, en ramenant les choses à leur racine, qui est ceci - Amour ? Amour de quoi ? De l'amour nous passons ainsi au désir, et la caractéristique du désir, (...) en tant qu'Eros désire, c'est que ce dont il s'agit, c'est-à-dire ce qu'il est censé porter avec lui, le beau lui-même, il en manque. - il est identique par lui-même au manque. - 141 - Oui ou non l'amour est-il amour de quelque chose ou de rien ? - Il ne s'agit pas de savoir de quoi l'amour descend, de qui, de quel dieu - Non, il s'agit de savoir, sur le plan de l'interrogation du signifiant, de quoi, comme signifiant, l'amour est le corrélatif. - 142 - [ex.] quand on parle d'un père, on parle obligatoirement d'un fils. - Nous sommes là sur le terrain propre de la dialectique socratique, qui consiste à interroger le signifiant sur la cohérence du signifiant. Là, Socrate est fort. - S'il passe la parole à Diotime, pourquoi ne serait-ce pas parce que, concernant l'amour, les choses ne sauraient aller plus loin avec la méthode proprement socratique ?

- 152 - [Diotime] introduit la thématique de l'amour et du beau. 153 - Le beau est le mode d'une sorte d'accouchement (...) de la pénible menée de tout ce qui est mortel vers ce à quoi il aspire, c'est-à-dire l'immortalité. - 154 - S'il y a deux désirs chez l'homme, qui le captent, d'une part dans le rapport à l'éternité, et d'autre part, dans le rapport de génération, avec la corruption et la destruction qu'il comporte, c'est le désir de mort en tant qu'inapprochable, que le beau est destiné à voiler. - Le désir de beau, désir en tant qu'il s'attache à ce mirage, qu'il y est pris, est ce qui répond à la présence cachée du désir de mort. Le désir du beau, c'est ce qui, inversant cette fonction, fait le sujet choisir sa trace, les appels, de ce que lui offre l'objet, ou certains entre les objets.

- 229 - Du seul fait qu'il y a transfert, nous sommes impliqués dans la position d'être celui qui contient l'agalma - C'est un effet légitime du transfert. Il n'est pas besoin de faire intervenir pour autant le contre-transfert, comme s'il s'agissait de quelque chose qui serait la part propre, et bien plus encore, la part fautive de l'analyste. Seulement, pour le reconnaître, il faut que l'analyste sache certaines choses. Il faut qu'il sache en particulier que le critère de sa position correcte n'est pas qu'il comprenne ou qu'il ne comprenne pas. Il n'est pas absolument essentiel qu'il comprenne. [Ce n'est pas quand il ne comprend pas, c'est quand l'analyste cherche à comprendre que se produit le contre-transfert.] - 230 - C'est seulement en tant, certes, qu'il sait ce que c'est que le désir, mais qu'il ne sait pas ce que ce sujet, avec lequel il est embarqué dans l'aventure analytique, désire, - qu'il est en position d'en avoir en lui, de ce désir, l'objet. - [Et lorsque l'analysant comprend que l'analyste "ne sait pas vraiment, alors il le désire en fin comme désirant, cad qu'enfin il désire le désir.]

- 234 - C'est dans la mesure où nous croyons pouvoir répondre à sa demande, que nous sommes dans le sentiment de comprendre [un sujet] - 246 - ce qu'il y a de plus important à comprendre dans la demande de l'analysé, c'est ce qui est au-delà de cette demande. C'est la marge de l'incompréhension qui est celle du désir. - 238 - toute demande, du fait qu'elle est parole, tend à se structurer en ceci, qu'elle appelle de l'autre sa réponse inversée. - C'est de cela qu'il s'agit chaque fois qu'il éclate le moindre conflit dans ce rapport entre l'enfant et la mère - Qu'y a-t-il qui réponde mieux, en apparence, à la demande d'être nourri que celle de se laisser nourrir ? Nous savons pourtant que c'est dans le mode même de confrontation des deux demandes que gît cet infime gap , cette béance, cette déchirure, où s'insinue d'une façon normale la discordance, l'échec préformé de la rencontre. - il se manifeste que cette demande, un désir la déborde - qu'elle ne saurait être satisfaite sans que ce désir s'y éteigne - que c'est pour que ce désir qui déborde la demande ne s'éteigne pas, que le sujet qui a faim, de ce qu'à sa demande d'être nourri répond la demande de se laisser nourrir, et refuse en quelque sorte de disparaître comme désir du fait d'être satisfait comme demande - que l'extinction ou l'écrasement de la demande dans la satisfaction ne saurait se produire sans tuer le désir. - 239 - Ce désir, qu'est-ce que c'est ? - La demande orale [oralité] a un autre sens que la satisfaction de la faim. Elle est demande sexuelle - cannibalisme, et le cannibalisme a un sens sexuel. - ce n'est pas seulement du pain du bon vouloir de l'Autre que le sujet primitif a à se nourrir, mais bel et bien du corps de celui qui le nourrit. - 240 - du seul fait que la tendance de la bouche qui a faim s'exprime par cette même bouche en une chaîne signifiante, entre en elle cette possibilité de désigner la nourriture, qui est le désir. Quelle nourriture ? La première chose qui en résulte, c'est qu'elle peut dire, cette bouche - Pas celle-là. La négation, l'écart, le j'aime ça et pas autre chose du désir

- 312 - il y a cette supposition [inconscient] - que le désir ne se présente pas à visage découvert [comme dans la philosophie] - les désirs sont partout, et au cœur même de nos efforts pour nous en rendre maîtres. Bien loin de là, même à les combattre, nous ne faisons guère plus que d'y satisfaire. Je dis y et non les , car dire les satisfaire serait encore trop, ce serait les tenir pour saisissable - Y satisfaire se dit ici comme on dit, dans le sens opposé, y couper , ou n'y pas couper - à mesure même d'un dessein fondamental, justement, d'y couper. - 313 - l'accent y est mis sur une extension (...) de la méconnaissance fondamentale

- 344 - Le père est venu au début de la pensée analytique sous une forme dont la comédie est bien faite pour nous faire ressortir tous les traits scandaleux - sa consubstantialité avec la mise en valeur, la mise en œuvre, de la dimension du désir. - 345 - l'objet de son manque, au désir - puisque le désir est manque -, est (...) identique à l'instrument même du désir, le phallus. - cad cet instrument en tant qu'il est porté à la fonction du signifiant. - Quelle est-elle, cette place [symbolique] ? Eh bien, elle est justement la place du point mort occupé par le père en tant que déjà mort. Je veux dire que, du seul fait que le père est celui qui articule la loi, la voix ne peut que défaillir derrière. Aussi bien, ou bien il fait défaut comme présence, ou bien, comme présence, il n'est que trop là. - 346 - L'explosion au bout de quoi se réalise la configuration du désir se décompose en trois temps, et vous pouvez le voir marqué dans les générations. C'est pour cette raison qu'il n'y a pas besoin, pour situer la configuration du désir chez un sujet, de remonter dans une récurrence à perpète jusqu'au père Adam. Trois générations suffisent.
1960/61

- 424 - Dans (...) la détresse, le sujet est purement et simplement chaviré, débordé par une situation éruptive à laquelle il ne peut faire face d'aucune façon. Entre cela et prendre la fuite (...) il y a une autre solution, et c'est ce que Freud nous pointe en soulignant dans l'angoisse son caractère d'Erwartung . - Quand nous en sommes là, l'angoisse est le dernier mode, mode radical, sous lequel le sujet continue de soutenir, même si c'est d'une façon insoutenable, le rapport au désir. - 425 - [Alors que dans l'hystérie et l'obsession il faut en passer par la métaphore de l'autre] au point où le sujet se voit comme castré, confronté au grand Autre [ainsi M.K. pour Dora, dans la phobie la place de l'objet visée par l'angoisse est plus nette, si l'on peut dire, puisque remplie par Grand Phi. Tout ce qui peut métaphoriser le grand Autre, d'une manière générale, peut aussi communiquer l'angoisse:] - 426 - L'angoisse à laquelle votre névrosé a affaire, l'angoisse comme énergie, est une angoisse qu'il a la grande habitude d'aller chercher à la louche, à droite ou à gauche, chez tel ou tel des grand A auxquels il a affaire. - 428 - le désir présente en lui-même un caractère dangereux, menaçant - [d'où] la petite levée d'angoisse qui se produit chaque fois qu'il s'agit véritablement du désir du sujet.

- 453 - Tout cela, en effet, serait fort joli s'il était si simple de penser le désir à partir du sujet, et que nous devions retrouver au niveau du désir le mythe qui s'est développé au niveau de la connaissance, pour en faire une sorte de vaste toile jetée sur le monde, tout entière tirée du ventre de l'araignée-sujet. Ne serait-il pas plus simple que le sujet dise Je désire ? Mais le dire n'est pas si simple. C'est beaucoup moins simple, vous le savez de votre expérience, que de dire j'aime, océaniquement

1961/62 - L'identification - 21/02/62 - ce que cherche le désir c'est moins dans l'autre le désirable que le désirant, c'est-à-dire ce qui lui manque - Je désire l'autre comme désirant, et quand je dis comme désirant, je n'ai même pas dit, je n'ai pas expressément dit comme "me" désirant : car c'est moi qui désire, et désirant le désir, ce désir ne saurait être désir de moi que si je me trouve à ce tournant-là où je suis bien sûr, c'est-à-dire si je m'aime dans l'autre, autrement dit si c'est moi que j'aime. - 14/03.62 - l'objet lui-même comme tel, en tant qu'objet du désir, est l'effet de l'impossibilité de l'Autre de répondre à la demande - quelque soit son désir [du sujet], l'Autre ne saurait y suffire - 14/03/62 - le petit enfant en proie à la passion jalouse devant son frère qui pour lui, en image, fait surgir la possession de cet objet, le sein nommément qui jusqu'alors n'a été que l'objet sous-jacent élidé (...) l'objet métonymique de chacun de ses recours ; le voici soudain pour lui produit dans l'éclairage aux effets pour nous signalés par sa pâleur mortelle, l'éclairage de ce quelque chose de nouveau qui est le désir : le désir de l'objet comme tel en tant qu'il retentit jusqu'au fondement même du sujet (...) comme révélant son manque fondamental, et ceci sous la forme de l'Autre comme mettant au jour, à la fois la métonymie et la perte qu'elle conditionne. - dimension de perte essentielle à la métonymie, perte de la chose dans l'objet (...) [comme aussi] perte de quelque chose d'essentiel dans l'image, dans cette métonymie qui s'appelle le moi - Là est la révélation imaginaire, et c'est le sens et la fonction de la frustration (...) comme la seconde source de l'expérience [la première étant la privation]. - 09/05/62 - le désir, c'est ce qui supporte le mouvement, sans doute circulaire, de la demande toujours répétée, mais dont un certain nombre de répétitions peuvent être conçues - c'est là l'usage de la topologie du tore - comme achevant quelque chose. Le mouvement de bobine de la répétition de la demande se boucle quelque part même virtuellement, définissant une autre boucle qui s'achève par cette répétition même et qui désigne quoi ? L'objet du désir. - c'est que cet objet ne reste pas objet du besoin - C'est justement parce que l'objet devient reconnaissable comme signifiant d'une demande latente qu'il prend valeur d'un désir qui est d'un autre registre. - 09/05/62 - le sujet, en tant qu'il se constitue comme dépendance du signifiant, comme au-delà de la demande, c'est le désir.

1962/63 - L'angoisse - 21/11/61 - je t'identifie, toi à qui je parle, toi-même, à l'objet qui te manque à toi-même, c'est-à-dire que par ce circuit où je suis obligé pour atteindre l'objet de mon désir, j'accomplis justement pour lui [toi] ce qu'il cherche. - 13/03/63 - seul l'amour permet à la JOUISSANCE de condescendre au désir - l'amour est la sublimation du désir - 21/11/61 - [Chez Hegel] j'ai à faire (...) à l'Autre comme conscience. - Pour Lacan (...) l'Autre est là comme inconscience constituée comme telle, et il n'intéresse mon désir que dans la mesure de ce qui lui manque et qu'il ne sait pas. - Le désir de désir, au sens hégélien (...) est désir d'un désirant. Ce désirant qui est l'Autre, pourquoi en a-t-il besoin ? - il en a besoin pour que l'Autre le reconnaisse. - L'Autre comme tel va instituer quelque chose "a" [l'objet de son désir] (...) en exigeant d'être reconnu par lui. [Or] Là où je suis reconnu comme objet puisque cet objet dans son essence est une conscience, il n'y a plus d'autre médiation que celle de la violence. - il faut donc à tout prix qu'on en tranche entre nos deux consciences. [formule : d(a) : d(A) < a] - le désir de désir au sens lacanien ou analytique, est le désir de l'Autre d'une façon beaucoup plus principiellement ouverte à une sorte de médiation. - [formule : d(a) < i(a) : d(A barré)]. - je dis donc que ce désir est désir en tant que son image support est l'équivalent (...) du désir de l'Autre - [contrairement à Hegel] à cause de l'existence de l'inconscient, nous pouvons être cet objet affecté du désir. - C'est même en tant que marqués ainsi de finitude que nous, sujets de l'ics, notre manque peut-être désir, désir fini - La dimension, je dirais classique, moraliste (...) de l'infinitude du désir est, dans cette perspective, tout à fait à réduire. - Il y a un reste - Ce reste, cet autre dernier, cet irrationnel, cette preuve et seule garantie en fin de compte de l'altérité de l'Autre, c'est le "a". - 27/02/63 - Le désir de l'Autre ne me reconnaît pas, comme le croit Hegel, ce qui rend la question bien facile. Car s'il me reconnaît, comme il ne me reconnaîtra jamais suffisamment, je n'ai qu'à user de la violence. - Il me met en cause, m'interroge à la racine même de mon désir à moi comme "a", comme cause de ce désir - C'est cette dimension temporelle qui est l'angoisse, et c'est cette dimension temporelle qui est celle de l'analyse. C'est parce que le désir de l'analyste suscite en moi cette dimension de l'attente - Seulement pour cela, il faut savoir ce que c'est que le désir et voir sa fonction, non pas seulement sur le plan de la lutte, mais là où Hegel (...) n'a pas voulu aller le chercher, sur le plan de l'amour. - le désir ne concerne pas l'objet aimé. - 15/05/63 - Le désir reste illusoire. Pourquoi ? Parce qu'il s'adresse toujours ailleurs, à un reste. A un reste constitué par la relation du sujet à l'autre qui vient s'y substituer. Mais ceci laisse ouvert le lieu où peut être trouvé ce que nous désignons du nom de certitude [= angoisse]. Nul phallus à demeure, nul phallus tout puissant n'est de nature à clore la dialectique du rapport du sujet à l'autre et au réel par quoi que ce soit qui soit d'un ordre apaisant. - 15/05/63 - Freud nous dit : "l'anatomie, c'est le destin". - [dans son sens strict :] ana-tomie, la fonction de la coupure - le destin, c'est-à-dire le rapport de l'homme à cette fonction qui s'appelle le désir. - 12/06/63 - [Par rapport à la cause impliquée dans la question du symptôme] le symptôme n'est pas l'effet. Il en est le résultat. L'effet c'est le désir, mais c'est un effet unique et tout à fait étrange - c'est que l'effet primordial de cette cause, (a) (...) c'est un effet qui n'a rien d'effectué. Le désir (...) se situe en effet essentiellement comme un manque d'effet. La cause, ainsi, se constitue, comme supposant des effets, de ce fait que primordialement l'effet y fait défaut. - Le hiatus entre la cause et l'effet, à mesure qu'il est comblé, c'est bien cela qui s'appelle (...) le progrès de la science, fait s'évanouir la fonction de la cause - l'explication de quoi que ce soit aboutit à mesure qu'elle s'achève à n'y laisser que des connexions signifiantes, à volatiliser ce qui l'animait (...) cad la béance effective - 19/06/63 - [ex.] L'excrément ne joue pas le rôle d'effet de ce que nous situons comme désir anal , il en est la cause. - 26/06/63 - [l'acte] une manifestation signifiante où s'inscrit, ce qu'on pourrait appeler l'état du désir - 03/07/63 - je suis à jamais l'objet cessible (...) et cet objet est le principe qui me fait désirer, qui me fait le désirant d'un manque, qui n'est pas un manque du sujet, mais un défaut fait à la jouissance qui se situe au niveau de l'autre. C'est en cela que toute fonction du (a) ne se réfère qu'à cette béance centrale qui sépare, au niveau sexuel, le désir du lieu de la jouissance, qui nous condamne à cette nécessité qui veut que la jouissance ne soit pas de nature, pour nous, promise au désir, que le désir ne peut faire que d'aller à sa rencontre - 03/07/63 - le père, dans la manifestation de son désir sait, lui, à quel (a) ce désir se réfère. Le père n'est pas causa sui selon le mythe religieux mais sujet qui a été assez loin dans la réalisation de son désir, pour le réintégrer à sa cause quelle qu'elle soit, à ce qu'il y a d'irréductible dans cette fonction du (a). - il n'est aucun sujet humain qui n'ait à se poser comme un objet et un objet fini auquel sont appendus des désirs finis.

1964 - Du "Trieb" de Freud… - 852 - Freud nous révèle que c'est grâce au Nom-du-Père que l'homme ne reste pas attaché au service sexuel de la mère, que l'agression contre le Père est au principe de la Loi et que la Loi est au service du désir qu'elle institue par l'interdiction de l'inceste. [La Chose est impossible, mais c'est le désir qui est interdit.]

1964 - Les quatre concepts… - - 129 - La différence du statut que donne au sujet la dimension découverte de l'ics tient au désir, qui est à situer au niveau du cogito. Tout ce qui anime, ce dont parle toute énonciation, c'est du désir. - 220 - Comprenez que l'objet du désir, c'est la cause du désir, et cet objet cause du désir, c'est l'objet de la pulsion - cad l'objet autour de quoi tourne la pulsion. - 141 - le désir se situe dans la dépendance de la demande - laquelle, de s'articuler en signifiants, laisse un reste métonymique qui court sous elle, élément qui n'est pas indéterminé, qui est une condition à la fois absolue et insaisissable, élément nécessairement en impasse, insatisfait, impossible, méconnu, élément qui s'appelle le désir. - La fonction du désir est résidu dernier de l'effet du signifiant dans le sujet. Desidera c'est le cogito freudien. - 247 - il y en a peu assurément pour ne pas succomber à la fascination [fascisation, ici, littéralement] du sacrifice en lui-même - le sacrifice signifie que, dans l'objet de nos désirs, nous essayons de trouver le témoignage de la présence du désir de cet Autre que j'appelle ici le Dieu obscur. - [la loi morale] n'est rien d'autre que le désir à l'état pur, celui-là même qui aboutit au sacrifice, à proprement parler, de tout ce qui est l'objet de l'amour dans sa tendresse humaine - je dis bien, non seulement au rejet de l'objet pathologique, mais bien à son sacrifice et à son meurtre. C'est pourquoi j'ai écrit Kant avec Sade.