Etre

1954 - Réponse au commentaire de Jean Hyppolite... - 382 - Cette création du symbole, a-t-il souligné [J. Hyppolite], est à concevoir comme un moment mythique [MYHTE], plutôt que comme un moment génétique. Car on ne peut même la rapporter à la constitution de l'objet, puisqu'elle concerne une relation du sujet à l'être, et non pas du sujet au monde.

1953/54 - Les écrits techniques de Freud - 254 - l'être, le verbe même, n'existe que dans le registre de la parole. La parole introduit le creux de l'être dans la texture du réel - 297 - Ce trou dans le REEL s'appelle, selon la façon dont on l'envisage, l'être ou le néant. Cet être et ce néant sont essentiellement liés au phénomène de la parole. C'est dans la dimension de l'être que se situe la tripartition du symbolique, de l'imaginaire et du réel [R.S.I.] - c'est seulement dans la dimension de l'être, et non pas dans celle du réel, que peuvent s'inscrire les trois passions fondamentales - à la jonction du symbolique et de l'imaginaire, cette cassure (...), cette ligne d'arête qui s'appelle l'AMOUR - à la jonction de l'imaginaire et du réel, la HAINE - à la fonction du réel et du symbolique, l'IGNORANCE. - 298 - A mesure que la parole progresse (...) l'être se réalise. - La parole incluse dans le discours se révèle grâce à la loi de la libre association qui le met en doute, entre parenthèses, en suspendant la loi de non-contradiction. Cette révélation de la parole, c'est la réalisation de l'être.

1954/55 - Le moi dans la théorie de Freud... - 130 - L'être, du point de vue scientifique, nous ne pouvons pas le saisir - Mais la psychanalyse est quand même une expérience qui en désigne, si l'on peut dire, le point de fuite. - Il y a toujours dans un rêve, dit Freud, un point absolument insaisissable, qui est du domaine de l'inconnu - il appelle cela l'ombilic du rêve. - le point de surgissement du rapport du sujet au symbolique. Ce que j'appelle l'être, c'est ce dernier mot qui ne nous est certainement pas accessible -

1957 - L'instance de la lettre dans l'inconscient - 516 - Je pense donc je suis - 517 - [sujet] Il ne s'agit pas de savoir si je parle de moi de façon conforme à ce que je suis, mais si, quand j'en parle, je suis le même que celui dont je parle [si c'est le même qui parle]. Et il n'y a ici aucun inconvénient à faire intervenir le terme de pensée, car Freud désigne de ce terme les éléments en jeu dans l'ics ; cad dans les mécanismes signifiants - Il n'en reste pas moins que le cogito philosophique est au foyer de ce mirage qui rend l'homme moderne si sûr d'être soi dans ses incertitudes sur lui-même, voire à travers la méfiance qu'il a pu apprendre dès longtemps à pratiquer quant aux pièges de l'amour-propre. / Aussi bien si, retournant contre la nostalgie qu'elle sert [puisqu'elle déduit de la pensée l'existence], l'arme de la métonymie, je me refuse à chercher aucun sens au-delà de la tautologie, et si, au nom de "la guerre est la guerre" et "un sou est un sou" [ou "je suis qui je suis"] , je me décide à n'être que ce que je suis, comment ici me détacher de cette évidence que je suis dans cet acte même ? / Non moins qu'à me porter à l'autre pôle, métaphorique, de la quête signifiante et me vouer à devenir ce que je suis, à venir à l'être, - je ne puis douter qu'à m'y perdre même, j'y suis. / Or c'est sur ces points mêmes, où l'évidence va être subvertie par l'empirique, que gît le tour de la conversion freudienne. - C'est-à-dire que c'est peu de ces mots dont j'ai pu interloquer un instant mes auditeurs : je pense où je ne suis pas, donc je suis où je ne pense pas. Mots qui à toute oreille suspendue rendent sensible dans quelle ambiguïté de furet fuit sous nos prises l'anneau du sens sur la ficelle verbale. / Ce qu'il faut dire, c'est : je ne suis pas, là où je suis le jouet de ma pensée [là où je crois penser vraiment]; je pense à ce que je suis, là où je ne pense pas penser [par ex. dans mes symptômes]. - 518 - le S et le s de l'algorithme saussurien ne sont pas dans le même plan, et l'homme se leurrait à se croire placé dans leur commun axe qui n'est nulle part.

1957/58 - Les formations de l'inconscient - 11/12/57 - ce "je pense donc je suis", il est difficile de la saisir à la pointe de son ressort, et il n'est peut-être d'ailleurs qu'un trait d'esprit. Le cogito cartésien est effectivement expérimenté dans la conscience de chacun de nous, non pas comme un "je pense donc je suis", mais comme un "je suis comme je pense" [métaphore et/ou métonymie, comme dans le mot d'esprit], et bien entendu ceci suppose derrière un "je pense comme je respire", naturellement.

1958/59 - Le désir et son interprétation - 15/04/59 - cet objet imaginaire se trouve en quelque sorte en position de condenser sur lui ce qu'on peut appeler les vertus ou la dimension de l'être - il peut devenir ce véritable leurre de l'être - ce caractère de fétiche qui est celui de l'objet du désir humain - 20/05/59 - [la névrose c'est quand le sujet] est porté par la question sur ce qu'il est - [il se trouve alors] au bord de cette nomination défaillante - se rencontre avec le point suprême de l'effet aliénant de son implication dans le logos - 27/05.59 - cet avènement du sujet au niveau de la coupure a quelque chose qu'il faut bien appeler un réel, mais qui n'est symbolisé par rien. [bien que la coupure, elle, soit d'abord symbolique, puis au niveau du fantasme] - point électif du rapport du sujet à ce que nous pouvons ici appeler son être pur de sujet - j'ai pu définir cette fonction remplie par le fantasme comme une métonymie de l'être et identifier comme tel, à ce niveau, le désir. [coupure "pure" = sujet réel; coupure fantasme = être sujet ?] - 03/06/59 - L'être, nous dirons que c'est proprement le réel en tant qu'il se manifeste au niveau du symbolique. - Cet être il n'est nulle part ailleurs (...) que dans les intervalles, dans les coupures, et là où à proprement parler il est le moins signifiant des signifiants, à savoir la coupure.

1959/60 - L'éthique de la psychanalyse - 324 - Antigone n'évoque aucun autre droit que ceci, qui surgit dans le langage ineffaçable de ce qui est - ineffaçable à partir du moment où le signifiant qui surgit l'arrête comme une chose fixe à travers tout flux de transformations possibles. Ce qui est est, et c'est à cela, à cette surface, que se fixe la position imbrisable, infranchissable d'Antigone. - 325 - Il ne s'agit pas d'en finir avec celui qui est un HOMME comme avec un chien. On ne peut en finir avec ses restes en oubliant que le registre de l'être de celui qui a pu être situé par un nom doit être préservé par l'acte des funérailles. - 329 - Antigone mène jusqu'à la limite l'accomplissement de ce que l'on peut appeler le désir pur, le pur et simple de désir de mort comme tel. Ce désir, elle l'incarne.

1961/62 - L'identification - 27/06/62 - Le rapport de cet objet ["a"] à l'image du monde qui l'ordonne constitue ce que Platon a appelé à proprement parler la dyade, à condition que nous nous apercevions que dans cette dyade le sujet S barré et le petit "a" sont du même côté [de l'autre : i(a)] - Par rapport [cf. schéma p.441] au corrélatif petit "a", à ce qui reste quand l'objet constitutif du fantasme s'est séparé [du A], être et pensée sont du même côté, du côté de ce petit "a". Petit "a", c'est l'être en tant qu'il est essentiellement manquant au texte du monde. - Toute métaphore, y compris celle du symptôme cherche à faire sortir cet objet dans la signification, mais toute la pullulation de sens qu'elle peut engendrer n'arrive pas à étancher ce dont il s'agit dans ce trou d'une perte centrale. - [autrement dit] "a" peut être abordé par cette voie qui est ce que l'Autre (...) désire dans le sujet défaillant, dans le fantasme, le S barré.