Manque

1956/57 - La relation d'objet - (2) [objet] Nous dirons que la privation c'est essentiellement quelque chose qui dans sa nature de manque est un manque réel, c'est un trou, [en revanche] la notion que nous avons de la frustration (...) c'est la notion d'un dam. C'est une lésion, un dommage (...) il ne s'agit jamais que d'un dam imaginaire. La frustration est par essence le domaine de la revendication (...) L'objet de la frustration c'est moins l'objet que le don - la castration est quelque chose qui ne peut que se classer dans la catégorie de la dette symbolique. (...) ce qui manque au niveau de la castration (...) il est tout à fait clair que dans notre expérience analytique ce n'est pas un objet réel, il n'y a que dans les lois de Manou qu'on dit que celui qui aura couché avec sa mère se coupe les génitoires, et les tenant dans sa main s'en aille tout droit vers l'ouest jusqu'à ce que mort s'ensuive (...) [ici] l'objet est imaginaire (...). Par contre l'objet de la frustration est bel et bien, tout imaginaire que soit la frustration, dans sa nature un objet réel (...). (...) il est bien clair que l'objet de la privation, lui, n'est jamais qu'un objet symbolique. (...) L'absence de quelque chose dans le réel est une chose purement symbolique, cad pour autant que nous définissons par la loi que ça devrait être là, c'est qu'un objet manque à sa place (...). Ces trois éléments que nous appellerons les trois termes de référence du manque de l'objet [: castration = manque symbolique d'un objet imaginaire (phallus), dont l'agent serait le Père réel ; frustration = manque imaginaire d'un objet réel (sein, pénis), dont l'agent serait la Mère ou le Père symboliques ; privation : manque réel d'un objet symbolique (enfant-phallus), dont l'agent serait le Père imaginaire (voir tableau p.43)]. (2) - dans le monde humain la structure, le départ de l'organisation objectale, c'est le manque de l'objet

1957/58 - Les formations de l'inconscient - 18/06/58 - ce qui sert de support à l'action symbolique propre qui s'appelle castration, est une image (...) choisie dans le système imaginaire - quelque chose dans l'image de l'autre est choisi pour porter la marque d'un manque qui est ce manque même par où le vivant s'aperçoit, parce qu'il est humain, cad parce qu'il est en rapport avec le langage, s'aperçoit comme exclu de l'omnitude des désirs, comme quelque chose de limité, de local, comme créature - nous sommes déjà morts par rapport (...) au mouvement lui-même de la vie, qu'à cause du langage nous sommes capables de projeter dans sa totalité, et même plus, dans sa totalité comme parvenue à sa fin. - système signifiant qui lui permet de dominer son immanence de vivant, et de s'apercevoir comme déjà mort. [Il n'y a pas d'autre explication à l'"instinct de mort"]. - Il n'y a pas d'expérience de la mort, bien entendu, qui puisse y répondre, et c'est bien pour cela que c'est symbolisé d'une autre façon. C'est symbolisé sur ce point et cet organe précis où apparaît de la façon la plus sensible, ce qui est la poussée de la vie. [phallus]

1958/59 - Le désir et son interprétation - 29/04/92 - Il n'y a (...) dans le réel aucune espèce de faille ou de fissure. Tout manque est manque à sa place, mais manque à sa place est manque symbolique. - le réel, en tant que tel, se définit comme toujours plein. [il n'y a de privation réelle (trou) que d'un objet symbolique] - nous appelons cela "moins phi" (...) comme étant l'essentiel de la marque sur l'homme de son rapport au logos, cad la castration - cette connotation "moins phi" nous servira à définir (...) l'objet "a".

1959/60 - L'éthique de la psychanalyse - 341 - C'est dans le signifiant et pour autant que le sujet articule une chaîne signifiante, qu'il touche du doigt qu'il peut manquer à la chaîne de ce qu'il est - [mort]

1960-61 - Le Transfert - 79 - après toutes les belles choses qu'Agathon à son tour aura dites de l'amour - D'un seul trait, Socrate sape tout cela à la base, en ramenant les choses à leur racine, qui est ceci - Amour ? Amour de quoi ? De l'amour nous passons ainsi au désir, et la caractéristique du désir, (...) en tant qu'Eros désire, c'est que ce dont il s'agit, c'est-à-dire ce qu'il est censé porter avec lui, le beau lui-même, il en manque. - il est identique par lui-même au manque. - 141 - Oui ou non l'amour est-il amour de quelque chose ou de rien ? - Il ne s'agit pas de savoir de quoi l'amour descend, de qui, de quel dieu - Non, il s'agit de savoir, sur le plan de l'interrogation du SIGNIFIANT, de quoi, comme signifiant, l'amour est le corrélatif. - 142 - [ex.] quand on parle d'un père, on parle obligatoirement d'un fils. - Nous sommes là sur le terrain propre de la dialectique socratique, qui consiste à interroger le signifiant sur la cohérence du signifiant. Là, Socrate est fort. - S'il passe la parole à Diotime, pourquoi ne serait-ce pas parce que, concernant l'amour, les choses ne sauraient aller plus loin avec la méthode proprement socratique ?

1962/63 - L'angoisse - 05/12/62 - l'angoisse n'est pas le signal d'un manque, mais (...) le défaut de cet appui du manque. - ce n'est pas la nostalgie de ce qu'on appelle le sein maternel qui engendre l'angoisse, c'est son imminence, c'est tout ce qui nous annonce quelque chose qui nous permettrait d'entrevoir qu'on va y rentrer. Qu'est-ce qui provoque l'angoisse ? ce n'est (...) le rythme ni l'alternance de la présence-absence de la mère. Et ce qui le prouve, c'est que ce jeu présence-absence l'enfant se complaît à le renouveler - ce rapport est le plus perturbé quand il n'y a pas de possibilité de manque, quand la mère est tout le temps sur son dos et spécialement à lui torcher le cul, modèle de la demande - 30/01/63 - Nous ne sommes en deuil que de quelqu'un dont nous pouvons dire "j'étais son manque". Nous sommes en deuil de personnes que nous avons ou bien ou mal traitées et vis à vis de qui nous ne savions pas que nous remplissions cette fonction d'être à la place de son manque. - [Mais] nous croyons pouvoir la traduire maintenant en ceci que nous lui avons manqué, alors que c'était justement en cela que nous lui étions précieux et indispensable. - 30/01/63 - Le manque est radical. Il est radical à la constitution même de la subjectivité - Ce que, si vous le voulez, j'aimerait énoncer en cette formule: "Dès que ça se sait, que quelque chose du réel vient au savoir, il y a quelque chose de perdu; et la façon la plus certaine d'approcher ce que chose de perdu, c'est de le concevoir comme un morceau du corps". - c'est un manque auquel le symbole ne supplée pas - Ce n'est pas non plus une annulation, ni une dénégation; car annulation et dénégation, formes constituées de ce rapport que le symbole permet d'introduire dans le réel, à savoir la définition de l'absence - C'est tenter de rejoindre sa fonction de signe; c'est ce à quoi pour au force, s'exténue l'obsessionnel. Annulation et dénégation visent donc ce point de manque, mais ne le rejoignent pas pour autant; car elles ne font, comme Freud l'explique, que redoubler la fonction du signifiant en se l'appliquant à elles-mêmes, et plus je dis que ça n'est pas là, plus ça est là.

1964 - Position de l'inconscient - 837 - les énoncés hégéliens (...) sont propices à dire toujours Autre-chose. Autre-chose qui en corrige le lien de synthèse fantasmatique, tout en conservant leur effet de dénoncer les identifications dans leurs leurres. C'est notre Aufhebung. à nous, qui transforme celle de Hegel, son leurre à lui, en une occasion de relever, au lieu et place des sauts d'un progrès idéal, les avatars d'un manque.

1964 - Les quatre concepts… - 194 - [La séparation, c'est le second moment après l'aliénation. Celui-ci est fondé sur la structure de l'intersection.] elle surgit du recouvrement de deux manques. Un manque est, par le sujet, rencontré dans l'Autre, dans l'intimation même que lui fait l'Autre par son discours. Dans les intervalles du discours de l'Autre, surgit [la question] (...) : il me dit ça, mais qu'est-ce qu'il veut ? - Dans cet intervalle coupant des signifiants (...) est le gîte de (...) la métonymie. C'est là que rampe, c'est là que glisse, c'est là que fuit, tel le furet, ce que nous appelons le désir. Le désir de l'Autre est appréhendé par le sujet dans ce qui ne colle pas, dans les manques du discours de l'Autre, et tous les pourquoi ? de l'enfant témoignent moins d'une avidité de la raison des choses, qu'ils ne constituent une mise à l'épreuve de l'adulte, un pourquoi est-ce que tu me dis ça ? toujours re-suscité de son fonds, qui est l'énigme du désir de l'adulte. Or, à répondre à cette prise, le sujet, tel Gribouille, apporte la réponse du manque antécédent, de sa propre disparition, qu'il vient ici situer au point du manque aperçu dans l'Autre. Le premier objet qu'il propose à ce désir parental dont l'objet est inconnu, c'est sa propre perte - Veut-il me perdre ? - 195 - Le fantasme de sa mort, de sa disparition, est le premier objet que le sujet a à mettre en jeu dans cette dialectique, et il le met en effet - (...) ne serait-ce que par l'anorexie mentale. - Un manque recouvre l'autre. Dès lors la dialectique des objets du désir, en tant qu'elle fait le joint du désir du sujet au désir de l'Autre (...) par par ceci, qu'il n'y est pas répondu directement. C'est un manque engendré du temps précédent qui sert à répondre au manque suscité par le temps suivant. - la non-réciprocité et la torsion dans le retour

1964/65 - Problèmes cruciaux pour la psychanalyse - (Résumé publié) - De là on aperçoit que l'être du sujet est la suture d'un manque. Précisément du manque qui, se dérobant dans le nombre, le soutient de sa récurrence, - mais en ceci ne le supporte que d'être ce qui manque au signifiant pour être l'Un du sujet : soit ce terme que nous avons appelé dans un autre contexte le trait unaire, la marque d'une identification primaire qui fonctionnera comme idéal. Le sujet se refend d'être à la fois effet de la marque et support de son manque. - 03/03/65 - [Du sujet entre le zéro et le un.] les pots de moutarde sont distincts mais je pose la question, le creux, le vide qui constitue le pot de moutarde, est-ce que c'est le même vide ou est-ce que ce sont des vides différents ? Ces vides en effet, sont tellement un seul vide qu'ils ne commencent à se distinguer qu'à partir du moment où on en remplit un, et que la récurrence commence parce qu'il y aura un vide de moins. Telle est l'institution inaugurale du sujet. - il y a toujours un reste, (...) la division du sujet entre le zéro et le un, aucun comblement de l'un ni au niveau de la demande de l'avoir, ni au niveau de l'être du transfert, ne la réduit totalement ; l'effet de l'opération n'est jamais un pur et simple zéro - le point zéro d'origine n'existe pas - Dans le jeu d'identification de la privation primordiale, il n'y a pas seulement comme effet la manifestation d'un pur creux, d'un zéro initial de la réalité du sujet s'incarnant dans le pur manque ; il y a toujours (...) et spécialement surgissant de l'expérience frustrative quelque chose qui échappe à sa dialectique, un résidu quelque chose qui manifeste qu'au niveau logique où apparaît le zéro, l'expérience subjective fait apparaître ce quelque chose que nous appelons l'objet (a)