Plaisir

1957/58 - Les formations de l'inconscient - 04/12/57 - [le trait d'esprit] la façon dont il frappe d'abord par le non-sens, dont d'autre part il nous attache et nous récompense par l'apparition de je ne sais quel sens secret - la dimension de la surprise est elle-même consubstantielle à ce qu'il en est du désir, pour autant qu'il est passé au niveau de l'inconscient - [ici réside toute l'ambiguïté du mot d'esprit] - c'est à ciel ouvert que se produit cette balle renvoyée entre message et autre [=code] - L'objet du mot d'esprit est de nous réévoquer cette dimension par laquelle le désir sinon rattrape, du moins indique tout ce qu'il a perdu en cours de route dans ce chemin, à savoir ce qu'il a laissé au niveau de la chaîne métonymique d'une part, de déchets, et d'autre part ce qu'il ne réalise pas pleinement au niveau de la métaphore [en quoi consiste en quelque sorte le fait d'obtenir satisfaction à sa demande ; le plaisir du mot d'esprit consiste alors à reprendre, de réévoquer, à l'aide du signifiant, de la création verbale, cette mythique satisfaction.] - 12/02/58 - le principe du plaisir comme cette tendance de tout ce qui est la vie, à retourner à l'inanimé. Le dernier ressort de l'évolution libidinale, c'est de retourner au repos des pierres. - Nous sommes tout de même forcés de l'appeler un au-dela du principe du plaisir, pour le distinguer. [pulsion de mort]

1959/60 - L'éthique de la psychanalyse - 28 - ma thèse est que la loi morale (...) est ce par quoi (...) se présentifie le réel (...) le poids du réel. Thèse qui peut paraître à la fois vérité triviale et paradoxe. Ma thèse comporte en effet que la loi morale s'affirme contre le plaisir, et nous sentons bien aussi que parler de réel à propos de la loi morale semble mettre en question la valeur de ce que nous intégrons d'ordinaire sous le vocable de l'idéal. - 22 - Chez Freud, la caractéristique du plaisir, comme dimension de ce qui enchaîne l'homme, se trouve tout entière du côté du fictif - (...) pas par essence ce qui est trompeur, mais, à proprement parler, ce que nous appelons le symbolique. - que ce que le principe du plaisir fasse rechercher à l'homme, ce soit le retour d'un signe - 29 - Au-delà du principe du plaisir, nous apparaît cette face opaque (...) qui s'appelle l'instinct de mort. - Qu'est-ce que cette sorte de loi au-delà de toute loi, qui ne peut se poser que comme d'une structure dernière, d'un point de fuite de toute réalité possible à atteindre ? - 30 - L'action morale, en effet, est entée dans le réel. Elle introduit dans le réel du nouveau, y créant un sillage où se sanctionne le point de notre présence.

- 37 - son [Freud] principe de plaisir est un principe d'inertie. Il s'agit essentiellement de tout ce qui résulte des effets d'une tendance foncière à la décharge, où une quantité est vouée à s'écouler. - Il part d'un système qui, de sa propre pente, va essentiellement vers le leurre et l'erreur. - Voilà ce qui fait l'exigence de tout ce système. - l'inertie qu'au niveau des symptômes lui opposent des choses dont il sent le caractère irréversible. - cette expérience est en son fond d'ordre moral. [p. 45: "je crois que l'opposition du p. de plaisir et du p. de réalité, celle du p. primaire et du p. secondaire, sont moins de l'ordre de la psychologie que de l'ordre de l'expérience proprement éthique"] - comment l'appareil supportant les processus seconds [p. de réalité] contourne les déchaînements de catastrophes qu'entraîne fatalement un temps de trop ou de trop peu, le laisser-aller à soi-même de l'appareil du plaisir. - [Finalement le principe de réalité est aussi un principe de plaisir, disons qu'il en est aussi le "principe", sa condition. Comme "principe de plaisir" le principe de réalité est satisfaction, et non plaisir : p. 52-53 : "la satisfaction ne saurait être confondue avec le principe du plaisir" - "d'une part la recherche d'une qualité archaïque, je dirai presque régressive, de plaisir indéfinissable, qui anime toute la tendance ics, et d'autre part, ce qu'il peut y avoir de réalisé et de satisfaisant au sens le plus accompli, au sens moral comme tel"] - 40 - La réalité est précaire. - L'ambiguïté profonde de cet abord exigé de l'homme vers le réel s'inscrit d'abord en termes de défense. Défense qui existe déjà avant même que ne se formulent les conditions du refoulement comme tel. - [ce sont notamment des "pensées": ] - 41 - toute pensée, de sa nature, s'exerce par des vois inconscientes.

- 46 - [Le bien, et la morale du bien, ne peut pas être du côté de la vraie morale, du côté du principe de réalité:] Pourquoi toujours revenir à ce même thème du plaisir ? A quoi tient l'exigence interne qui conduit l'éthicien à tenter de réduire les antinomies qui s'attachent à ce thème - du fait que le plaisir apparaît le terme opposé à l'effort moral, et qu'il faut pourtant qu'il y trouve la référence dernière [bien = principe de plaisir, irrémédiablement] - 261 - toute méditation sur le bien de l'homme, depuis l'origine de la pensée moraliste (...) s'est faite en fonction de l'index du plaisir - [s'acharnant à distinguer] les vrais et les faux biens que le plaisir indique - [du nouveau avec Freud:] - 262 - Or le nerf du principe de plaisir se situe au niveau de la subjectivité. - la répétition du besoin [par ex., ne joue que comme] (...) besoin de répétition, ou plus exactement de la compulsion de répétition. - 265 - La question du bien est à cheval sur le principe du plaisir et le principe de réalité. - en vérité, nous faisons de la réalité avec du plaisir. Cette notion est essentielle. Elle se résume tout entière dans la notion de praxis (...) en tant qu'elle concerne, d'une part, la dimension éthique (...), d'autre part la fabrication la production ex nihilo

- 72 - Le principe du plaisir gouverne la recherche de l'objet, et lui impose ces détours qui conservent sa distance par rapport à sa fin. - 73 - Cette loi fixe le niveau d'une certaine quantité d'excitation qui ne saurait être dépassée sans outrepasser la limite de la polarisation Lust/Unlust - Au-delà de la limite, que se passe-t-il ? L'impulsion psychique n'en est pas rendue pour autant capable d'aller plus loin vers ce qui serait son but - bien plutôt elle s'éparpille (...), la quantité se transforme en complexité. [C'est la douleur.] - ce qui, primitivement, (...) intervient normalement pour régler l'invasion de la quantité selon le principe de plaisir - c'est l'évitement, la fuite, le mouvement - la réaction de douleur survient du fait que la réaction motrice, la réaction de fuite, est impossible, et ce, pour autant que la stimulation, l'excitation, vient de l'intérieur. - 74 - Quelque chose ne nous est-il pas là ouvert dans je ne sais quelle aperception des poètes, avec le mythe de Daphné se changeant en arbre sous la pression d'une douleur à laquelle elle ne peut plus échapper ? N'est-il pas vrai que l'être vivant qui n'a pas la possibilité de se mouvoir, nous suggère jusque dans sa forme la présence de ce que l'on pourrait appeler une douleur pétrifiée ? N'y a t-il pas dans ce que nous faisons nous-mêmes du règne de la pierre, pour autant que nous ne la laissons plus rouler, que nous la dressons, que nous en faisons quelque chose d'arrêté, n'y a-t-il pas dans l'architecture elle-même comme la présentification d'une douleur ? - [au temps du baroque] Quelque chose a été tenté alors pour faire de l'architecture elle-même je ne sais quel effort vers le plaisir, pour lui donner je ne sais quelle libération - Et ce effort vers le plaisir, quelles formes nous donne-t-il ? - sinon des formes que nous appelons, dans notre langage ici métaphorique, et va loin comme tel, torturées.