Psychose

1932 - Thèse - 284 - fréquence d'une anomalie psychique, similaire à celle du sujet, chez le parent du même sexe, qui a souvent été l'unique éducateur. - On est alors frappé par la fréquence des délires à deux - loi du renforcement de l'anomalie psychotique chez le descendant. - 285 - On voit en effet (...) que la notion d'une transmission héréditaire, si discutable en psychologie, n'a nul besoin d'être invoquée. L'anamnèse montre toujours que l'influence du milieu s'est exercée de façon largement suffisante à expliquer la transmission du trouble. - 299 - On peut dire que le délire lui-même n'est que l'épiphénomène d'une telle conduite [c'est-à-dire les impulsions, pulsions, comportements spécifiques de la psychose ; Lacan dira plus tard qu'il est une "tentative de guérison"]

- 302 - [la doctrine freudienne permet d'établir une distinction entre les crimes du Moi (où rentrent tous les crimes dits d'intérêts) et les crimes du Soi (où rentrent les crimes purement pulsionnels, tels qu'on les rencontre typiquement dans la démence précoce.[le criminel ne veut tuer ici non plus son moi ou son sur-moi, mais sa maladie ou, plus généralement, le "mal": agression symbolique] - Entre ces deux classes (...) notre étude permet de déterminer un type de crimes, les crimes des délires de quérulance et des délires d'autopunition , qui sont des crimes du Surmoi. - [intermédiaire entre le Moi et le Soi] - 303 - dans la technique [psychanalytique] applicable aux psychoses en clinique fermée (...) on trouve un test d'évaluation rigoureuse des pulsions agressives d'un sujet donné.

- 349 - A mesure qu'on appliquera notre méthode à des psychoses plus discordantes , on révèlera des processus organiques plus évidents, des réactions aux conflits vitaux de moins en moins compréhensibles, mais l'importance des fixations évolutives, de plus en plus archaïques, restera essentielle ; pour ces fixations qui se rapportent au stade du narcissisme primaire, nous proposons (...) le titre d'anomalies affectives pré-personnelles. - 340 - Il y a là une zone de phénomènes où se fait le joint du plan vital individuel et du plan social personnel -

1933 - "Motifs du crime paranoïaque..." (Thèse) - [uniquement (?) : paranoïa ; idem "Thèse"] - 392 - La pulsion agressive, qui se résout dans le meurtre, apparaît (...) comme l'affection qui sert de base à la psychose. On peut la dire inconsciente, ce qui signifie que le contenu intensionnel qui la traduit dans la conscience ne peut se manifester sans un compromis avec les exigences sociales intégrées par le sujet, cad sans un camouflage de motifs, qui est précisément tout le délire. Mais cette pulsion est empreinte en elle-même de relativité sociale : elle a toujours l'intentionnalité d'un crime, presque constamment celle d'une vengeance, souvent le sens d'une punition, cad d'une sanction issue des idéaux sociaux, parfois enfin elle s'identifie à l'acte achevé de la moralité, elle a la portée d'une expiation (autopunition).- 393 - Le contenu intellectuel du délire nous apparaît (...) comme une superstructure à la fois justificative et négatrice de la pulsion criminelle [elle la diffère : délirer c'est différer un meurtre]. Nous le concevons donc comme soumis aux variations de cette pulsion, à la chute qui résulte par exemple de son assouvissement - Les défaut corrélatifs des descriptions et des explications classiques, ont longtemps fait méconnaître l'existence, pourtant capitale, de telles variations, en affirmant la stabilité des délires paranoïaques, alors qu'il n'y a que constance de structure [la psychose (structure) n'est pas le délire] -

1938 - Les complexes familiaux - 83 - Ainsi, selon que les réactions sont plus relatives aux fantasmes et que s'objective plus le thème du délire, le moi tend à se confondre avec l'expression du complexe et le complexe à s'exprimer dans l'intentionnalité du moi. - C'est que les thèmes familiaux que nous isolons dans les psychoses ne sont que des effets virtuels et statiques de leur structure, des représentations où se stabilise le moi ; ils ne présentent donc que la morphologie du complexe sans révéler son organisation, ni par conséquent la hiérarchie de ses caractères.

1950 - Fonctions de la psychanalyse en criminologie - 132 - [le crime] l'individu en tant qu'il est normal s'en sert pour des conduites réelles ; en tant qu'il est psychopathe, il les exprime par des conduites symboliques. - 135 - [or] en irréalisant le crime, elle [la psychanalyse] ne déshumanise pas le criminel. - 159 - dans la folie, quelle qu'en soit la nature, il nous faut reconnaître d'une part, la liberté négative d'une parole qui a renoncé à se faire reconnaître (...) un langage sans dialectique. L'absence de parole s'y manifeste par les stéréotypies d'un discours où le sujet, peut-on dire, est parlé plutôt qu'il ne parle -

1953 - Les écrits techniques de Freud - 134 - Dans la méconnaissance, le refus, le barrage opposé à la réalité par le névrotique, nous constatons un recours à la fantaisie. - Freud souligne qu'il n'y a rien de semblable dans la psychose. Le sujet psychotique, s'il perd la réalisation du réel, ne retrouve, lui, aucune substitution imaginaire. - Une des conceptions les plus répandues, c'est que le sujet délirant rêve, qu'il est en plein dans l'imaginaire. Il faut donc que, dans la conception de Freud, la fonction de l'imaginaire ne soit pas la fonction de l'irréel. - 135 - Nous verrons que ce pourrait être dans un irréel symbolique, ou un symbolique marqué d'irréel, que se situe la structure propre du psychotique. - Pour Yung, les deux domaines du symbolique et de l'imaginaire sont là complètement confondues - [Lacan veut montrer que la conception freudienne de la libido , surtout avec la notion problématique d'auto-érotisme, suppose non seulement de distinguer entre libido d'objet et libido égoïste, mais aussi nettement que possible les trois domaines distincts du réel, de l'imaginaire et du symbolique - afin d'éviter tout nivellement à la Jung.]

1954/55 - Le moi dans la théorie de Freud... - 284 - le moi est une construction imaginaire. Cela ne lui retire rien, à ce pauvre moi, le fait qu'il soit imaginaire - je dirais même que c'est ce qu'il a de bien. S'il n'était pas imaginaire, nous ne serions pas des hommes, nous serions des lunes. Ce qui ne veut pas dire qu'il suffit que nous ayons ce moi imaginaire pour être des hommes. Nous pouvons être encore cette chose intermédiaire qui s'appelle un fou. Un fou est justement celui qui adhère à cet imaginaire, purement et simplement.

1955/56 - Les psychoses - 23 - Aristote faisait remarquer qu'il ne faut pas dire que l'homme pense, mais qu'il pense avec son âme. De même, je dis que le sujet se parle avec son moi. - [Le psychotique se trouve] complètement identifié avec son moi avec lequel il parle - 44 - Il faut parler au patient son langage. Sans doute ceux qui tiennent de tels propos doivent-ils être pardonnés comme tous ceux qui ne savent pas ce qu'ils disent. - signe d'un retour précipité, d'un repentir. On s'acquitte, on se met rapidement en règle, à ceci près qu'on ne révèle que sa condescendance - Marquer cette distance, faire du langage un pur et simple instrument, une façon de se faire comprendre [compréhension] de ceux qui ne comprennent rien, c'est éluder complètement ce dont il s'agit - la réalité de la parole. - 94 - Préalablement à toute symbolisation [symbolique] - cette antériorité n'est pas chronologique, mais logique - il y a une étape, les psychoses le démontrent, où il se peut qu'une part de la symbolisation ne se fasse pas. Cette étape première précède toute la dialectique névrotique qui tient à ce que la névrose est une parole qui s'articule - 106 - Nous devons exiger, avant de porter le diagnostic de psychose, la présence de ces troubles [de l'ordre du langage]

- 100 - Que se passe-t-il donc au moment où ce qui n'est pas symbolisé apparaît dans le réel ? - ce qui apparaît, apparaît sous le registre de la signification, et d'une s. qui ne vient de nulle part, et qui ne renvoie à rien, mais une s. essentielle, par laquelle le sujet est concerné. A ce moment, se met certainement en branle ce qui intervient chaque fois qu'il y a conflit d'ordres, à savoir du refoulement. Mais pourquoi le refoulement ne colle-t-il pas, cad n'aboutit pas à ce qui se produit quand il s'agit d'une névrose ? - Ce qui se produit alors a le caractère d'être absolument exclu [forclusion] du compromis symbolisant de la névrose, et se traduit dans un autre registre, par une véritable réaction en chaîne au niveau de l'imaginaire, soit dans la contre-diagonale de notre petit carré magique. - Le sujet, (...) faute de pouvoir faire une quelconque médiation symbolique entre ce qui est nouveau et lui-même, entre dans un autre mode de médiation, (...) substituant à la médiation symbolique un fourmillement, une prolifération imaginaire. - 101 - Le signifiant lui-même subit de profonds remaniements [mais subsiste : cf. la langue fondamentale de Schreber]. Le rapport du sujet au monde est une relation en miroir. Le monde du sujet va se composer essentiellement avec cet être qui est pour lui l'autre, cad [pour Schreber] Dieu lui-même. Quelque chose est prétendument réalisé, de la relation d'homme à femme. [En réalité ces deux termes se décomposent tous deux en une multitudes d'êtres imaginaires qui évoquent le corps morcelé, pré-moïque.]

- 149 - le psychotique est un martyr de l'inconscient, en donnant au terme de martyr son sens, qui est celui d'être témoin. Il s'agit d'un témoignage ouvert. Le névrotique aussi est un témoin de l'existence de l'ics, il donne un témoignage couvert qu'il faut déchiffrer.

- 182 - en analysant la structure du délire de Schreber au moment où il s'est stabilisé dans un système qui lie le moi du sujet à cet autre imaginaire, cet étrange Dieu qui ne comprend rien, qui ne répond pas, qui trompe le sujet [cf. Descartes], nous avons su reconnaître qu'il y a, dans la psychose exclusion de l'Autre où l'être se réalise dans l'aveu de la parole. - 231 - Elle [la psychose] se manifeste par des phénomènes de frange où l'ensemble du signifiant est mis en jeu. Une grande perturbation du discours intérieur (...) s'accomplit, et l'Autre masqué qui est toujours en nous, apparaît tout d'un coup éclairé - Car cette fonction est la seule qui retient alors le sujet au niveau du discours [Dieu pour Schreber], lequel tout entier menace de lui manquer, et de disparaître.

- 227 - Il y a une autre forme de défense que celle que provoque une tendance ou une signification interdite. C'est la défense qui consiste à ne pas s'approcher de l'endroit où il n'y a pas de réponse à la question. / On est plus tranquille comme ça, et, somme toute, c'est la caractéristique des gens normaux. Ne nous posons pas de questions - Nous sommes certains que les névrosés se sont posés une question. Les psychotiques, ce n'est pas sûr. La réponse leur est peut-être venue avant la question - c'est une hypothèse. Ou bien la question s'est posée toute seule - ce n'est pas impensable. / Il n'y a pas de question pour un sujet [normal] sans qu'il y ait un autre à qui il l'a posée.

- 229 - Dans la psychose, c'est le signifiant qui est en cause, et comme le signifiant n'est jamais solitaire (...) - c'est la signifiance même du signifiant - le manque d'un signifiant amène nécessairement le sujet à remettre en cause l'ensemble du signifiant. - Dans les névroses, c'est la signification qui pour un temps disparaît, éclipsée, et va se nicher ailleurs, tandis que la réalité, elle, tient le coup. De telles défenses ne sont pas suffisantes dans le cas de la psychose, et c'est dans la réalité qu'apparaît ce qui doit protéger le sujet.

- 230 - Supposons pour le sujet (...) l'impossibilité d'assumer la réalisation du signifiant père au niveau symbolique. Que lui reste-t-il ? Il lui reste l'image [imaginaire] à quoi se réduit la fonction paternelle. C'est une image qui ne s'inscrit dans aucune dialectique triangulaire, mais dont la fonction de modèle, d'aliénation spéculaire, donne tout de même au sujet un point d'accrochage - Dans la mesure où le rapport reste sur le plan imaginaire, duel et démesuré, il n'a pas la signification d'exclusion réciproque que comporte [dans le meilleur des cas] l'affrontement spéculaire, mais l'autre fonction, qui est celle de la capture imaginaire. - 231 - L'image prend en elle-même et d'emblée la fonction sexualisée, sans avoir besoin d'aucun intermédiaire, d'aucune identification à la mère ni à qui que ce soit. Le sujet adopte alors cette position intimidée que nous observons chez le poisson ou le lézard. - L'aliénation est ici radicale, elle n'est pas liée à un signifié néantisant (...) mais à un anéantissement du signifiant. - [D'où ces compensations, parfois, sous forme d'] identifications purement conformistes à des personnages qui lui donneront le sentiment de ce qu'il faut faire pour être un homme. - [jusqu'à ce que ces compensations, "béquilles imaginaires", elles-mêmes lâchent.] -

- 285 - Il arrive que nous prenions des pré-psychotiques en analyse, et nous savons ce que cela donne - cela donne des psychotiques. - Quelque fois il s'agit d'une très petite tâche de prise de parole [qui déclanche la psychose], alors que le sujet vivait jusque-là dans son cocon, comme une mite. [cf. Schreber, devenant président de la cour d'appel] - 285 - Hélène Deutsch a mis en valeur un certain comme si - Ils [les psychotiques] n'entrent jamais dans le jeu des signifiants, sinon par une sorte d'imitation extérieure.- 335 - ça parle. - 345 - au-delà de tout signifiant qui puisse être significatif pour le sujet, la réponse ne peut être que l'usage permanent, et je dirais, constamment sensibilisé, du signifiant dans son ensemble. - le commentaire mémorisant qui accompagne tous les actes humains, se trouve aussitôt vivifié, sonorisé sous ses formes les plus vides et les plus neutres

1957 - D'une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose - 577 - Pour que la psychose se déclenche, il faut que le Nom--du-Père, verworfen , forclos, cad jamais venu à la place de l'Autre, y soit appelé en opposition symbolique au sujet. / C'est le défaut du Nom-du-Père à cette place qui, par le trou qu'il ouvre dans le signifié amorce la cascade des remaniements du signifiant d'où procède le désastre croissant de l'imaginaire, jusqu'à ce que le niveau soit atteint où signifiant et signifié se stabilisent dans la métaphore délirante. - 578 - Pour aller maintenant au principe de la forclusion du Nom-du-Père, il faut admettre que le Nom-du-Père redouble à la place de l'Autre le signifiant lui-même du ternaire symbolique, en tant qu'il constitue la loi du signifiant. - 579 - ce n'est pas uniquement de la façon dont le mère s'accommode de la personne du père, qu'il conviendrait de s'occuper, mais du cas qu'elle fait de sa parole, disons le mot, de son autorité, autrement de la place qu'elle réserve au Nom-du-Père dans la promotion de la loi. / Plus loin encore la relation du père à cette LOI doit-elle être considérée en elle-même, car on y trouvera la raison de ce paradoxe, par quoi les effets ravageants de la figure paternelle s'observent avec une particulière fréquence dans les cas où le père a réellement la fonction de législateur ou s'en prévaut - tous idéaux qui ne lui offrent que trop d'occasions d'être en posture de démérite, d'insuffisance, voire de fraude, et pour tout dire d'exclure le Nom-du-Père de sa position dans le signifiant.

1957/58 - Les formations de l'inconscient - - 08/01/58 - Il s'agit de voir pourquoi (...) ce dont il s'agit par l'exclusion [forclusion] de ce qui se passe entre le message et l'Autre [code], va avoir pour résultat [voix et d'hallucinations] - un message qui comme tel, n'est pas possible à entériner, un message qui se manifeste aussi dans la dimension pure et brisée du signifiant - il ne peut arriver au niveau du message qu'entant que message interrompu. - 25/06/58 - Freud dit : "ce n'est pas moi qu'il aime, c'est elle". Qu'est-ce que cela veut dire, si ce n'est précisément que le délire de jalousie, pour autant qu'il fait obstacle à ce pur et simple déchaînement de la parole [en limitant les hallucinations au délire] (...) est justement ce quelque chose qu'il essaye de restaurer, de restituer, le désir de l'Autre ; la structure du désir de jalousie, c'est justement d'attribuer à l'Autre un désir qui est cette sorte de désir esquissé, ébauché dans l'imaginaire, qui est celui du sujet. - [ébauché mais non réalisé chez le psychotique car] nulle part ne s'est produit cette métaphore essentielle qui donne au désir de l'Autre ce signifiant primoridal [qu'est le phallus] -