Répétition

1954/55 - Le moi dans la théorie de Freud... - 79 - [Pulsion de mort] [Partons du principe d'homéostase, lequel] tempère l'irruption des quantités d'énergie venue du monde extérieur. / Cette régulation, appelons-la fonction restitutive de l'organisation psychique . - Freud n'a pas le terme d'homéostase, il emploie celui d'inertie - Décharge et retour à la position d'équilibre, cette loi de régulation vaut pour les deux systèmes - C'est ici que Freud s'aperçoit que quelque chose ne satisfait pas au principe du plaisir. Il s'aperçoit que ce qui sort d'un des systèmes - celui de l'ics - est d'une insistance (...) toute particulière. - automatisme de répétition - [ou plutôt] compulsion à la répétition - 81 - Il y a une fonction restitutive, qui est celle du principe de plaisir. Mais il y a aussi une fonction répétitive [au-delà non seulement du principe de plaisir de l'opposition plaisir/réalité]. - L'introduction de l'instinct de mort correspond à cette découverte sur le plan purement abstrait et/ou énergétique. - l'opposition du principe de plaisir et du principe de réalité est toute relative : si "dans le principe du plaisir, le plaisir, par définition, tend à sa fin", "le principe de réalité consiste en ce que le jeu dure, cad que le plaisir se renouvelle". Le principe de réalité ne peut donc pas simplement être "introduit par cette simple remarque qu'à trop chercher son plaisir, il arrive toutes sortes d'accidents - on se brûle les doigts, on attrape une chaude-pisse, on se casse la gueule."(p.107). Conservation de l'énergie et entropie, etc. L'instinct de mort dont il s'agit "au-delà du principe de plaisir" n'a rien à voir avec la mort des êtres vivants. Il n'est pas régulateur, il est perturbateur comme le rêve, comme le symbolique.]

- 124 - deux structurations tout à fait différentes de l'expérience humaine. - celle de la réminiscence, qui support un accord, une harmonie entre l'homme et le monde des objets, qui fait qu'il les reconnaît, parce qu'en quelque sorte, il les connaît depuis toujours - et, au contraire, la conquête, la structuration du monde dans un effort de travail, par la voie de la répétition. Dans la mesure où ce qui se présente à lui ne coïncide que partiellement avec ce qui lui a déjà procuré satisfaction, le sujet se met en quête, et répète indéfiniment sa recherche jusqu'à ce qu'il retrouve cet objet. / L'objet se rencontre et se structure sur la voie d'une répétition - retrouver l'objet, répéter l'objet. Seulement, ce n'est jamais le même objet que le sujet rencontre. Autrement dit, il ne cesse d'engendrer des objets substitutifs.

1956/66 - Le séminaire sur "La Lettre volée" - 11 - l'automatisme de répétition prend son principe dans ce que nous avons appelé l'insistance de la chaîne signifiante. Cette notion elle-même, nous l'avons dégagée comme corrélative de l'ex-sistence (soit : de la place excentrique) où il nous faut situer le sujet de l'ics - 14 - C'est l'intersubjectivité où les deux actions [les deux scènes] se motivent que nous voulons relever [2 qui fait déjà répétition], et les trois termes dont elle les structure. / Le privilège de ceux-ci se juge à ce qu'ils répondent à la fois aux trois temps logiques par quoi la décision se précipite, et aux trois places qu'elle assigne aux sujets qu'elle départage. - 15 - Le premier est d'un regard qui ne voit rien : c'est le Roi, et c'est la police. / Le second d'un regard qui voit que le premier ne voit rien et se leurre d'en voir couvert ce qu'il cache : c'est la reine, puis c'est le ministre. / Le troisième qui de ces deux regards voit qu'ils laissent ce qui est à cacher à découvert pour qui voudra s'en emparer : c'est le ministre, et c'est Dupin enfin. - 16 - Nous verrons que leur déplacement est déterminé par la place qui vient à occuper le pur signifiant qu'est la lettre volée, dans leur trio. Et c'est là ce qui pour nous le confirmera comme automatisme de répétition.

1961/62 - L'identification - 13/12/61 - l'automatisme de répétition (...) c'est ceci : c'est que si un cycle déterminé qui ne fût que celui-là - c'est ici que se profile l'ombre du "trauma" (...) ce n'est pas son effet traumatique que je retiens, mais seulement son unicité - celui-là donc qui se désigne par un certain signifiant que seul peut supporter ce que nous apprendrons dans la suite à définir comme une lettre (...), ce cycle là et pas un autre équivaut à un certain signifiant, c'est à ce titre que le comportement se répète pour faire ressurgir ce signifiant qu'il est comme tel - 07/03.62 - [le trait unaire] c'est l'unicité comme telle du tour dans la répétition. - la notion de la fonction de la répétition dans l'ics se distingue absolument de tout cycle naturel; en ce sens que ce qui est accentué ça n'est pas son retour, c'est (...) son unicité signifiante, et en tant qu'un des tours de la répétition, si l'on peut dire, a marqué le sujet qui se met à répéter ce qu'il ne saurait bien sûr que répéter puisque cela ne sera jamais qu'une répétition, mais dans le but de faire ressurgir l'unaire primitif d'un de ses tours. - 09/05/62 - le désir, c'est ce qui supporte le mouvement, sans doute circulaire, de la demande toujours répétée, mais dont un certain nombre de répétitions peuvent être conçues - c'est là l'usage de la topologie du tore - comme achevant quelque chose. Le mouvement de bobine de la répétition de la demande se boucle quelque part même virtuellement, définissant une autre boucle qui s'achève par cette répétition même et qui désigne quoi ? L'objet du désir. - c'est que cet objet ne reste pas objet du besoin - C'est justement parce que l'objet devient reconnaissable comme signifiant d'une demande latente qu'il prend valeur d'un désir qui est d'un autre registre.

1964 - Les quatre concepts… - 53 - [La tuché d'Aristote] Nous l'avons traduit par la rencontre du réel. Le réel est au-delà de l'automaton [le réseau des signifiants], du retour, de la revenue, de l'insistance des signes à quoi nous nous voyons commandés par le principe du plaisir. Le réel est ce qui gît toujours derrière l'automaton - 54 - [Mais] La répétition est quelque chose qui, de sa véritable nature, est toujours voilé dans l'analyse, à cause de l'identification [abusive] de la répétition et du transfert dans la conceptualisation des analyses. - 55 - N'est-il pas remarquable que, à l'origine de l'expérience analytique, le réel se soit présenté sous la forme de ce qu'il y a en lui d'inassimilable - sous la forme du trauma - En effet, le trauma est conçu comme devant être tamponné par l'homéostase subjectivante qui oriente tout le fonctionnement défini par le principe du plaisir. - au sein même des processus primaires, nous voyons conservée l'insistance du trauma à se rappeler à nous - A cette exigence répondent ces points radicaux dans le réel que j'appelle rencontres, et qui nous font concevoir la réalité comme unterlegt, untertragen, ce qui en français se traduirait par le mot même, en sa superbe ambiguïté dans la langue française, de souffrance. La réalité est là en souffrance, là qui attend.

- 59 - il ne s'agit dans Freud d'aucune répétition qui s'assoie dans le naturel, d'aucun retour du besoin. - Tout ce qui, dans la répétition, se varie, se module, n'est qu'aliénation de son sens. L'adulte, voire l'enfant plus avancé, exigent dans leurs activités, dans le jeu, du nouveau. Mais ce glissement voile ce qui est le vrai secret du ludique, à savoir la diversité plus radicale que constitue la répétition en elle-même. Voyez-la chez l'enfant, dans son premier mouvement, au moment où il se forme comme être humain, se manifester comme exigence que le conte soit toujours le même, que sa réalisation racontée soit ritualisée, cad textuellement la même. - 59 - Freud, lorsqu'il saisit la répétition dans le jeu de son petit-fils, dans le fort-da réitéré, peut bien souligner que l'enfant tamponne l'effet de la disparition de sa mère en s'en faisant l'agent - ce phénomène est secondaire. - ce qui choit, ce n'est pas l'autre en tant que figure où se projette le sujet, mais cette bobine liée à lui-même par un fil qu'il retient - où s'exprime ce qui, de lui, se détache dans cette épreuve, l'automutilation à partir de quoi l'ordre de la signifiance va se mettre en perspective. - Cette bobine, ce n'est pas la mère réduite à une petite boule par je ne sais quel jeu digne des jivaros - c'est un petit quelque chose du sujet qui se détache tout en étant encore bien à lui, encore retenu. [objet "a"]

- 67 - C'est pourquoi il est nécessaire de fonder d'abord cette répétition dans la schize même qui se produit dans le sujet à l'endroit de la rencontre. Cette schize constitue la dimension caractéristique de la découverte et de l'expérience analytique, qui nous fait appréhender le réel, dans son incidence dialectique, comme originellement malvenu. - Car après tout, pourquoi la scène primitive est-elle si traumatique ? Pourquoi est-elle trop tôt ou trop tard ? Pourquoi le sujet y prend-il trop de plaisir [obsession] (...) ou trop peu, comme chez l'hystérique ? Pourquoi n'éveille-t-elle pas tout de suite le sujet, s'il est vrai qu'il est si profondément libidinal ? - [La réponse] c'est ce qui apparaît de factice dans le rapport fondamental à la sexualité [= l'intervention de l'objet] -