Sexualité

1955 - La Chose freudienne - 432 - dans cet inconscient (...) il [Freud] a reconnu l'instance des lois où se fondent l'alliance de la parenté, en y installant dès la Traumdeutung le complexe d'Œdipe comme sa motivation centrale. Et c'est ce qui me permet maintenant de vous dire pourquoi les motifs de l'ics se limitent (...) au désir sexuel. C'est essentiellement en effet sur la liaison sexuelle, et en l'ordonnant à la loi des alliances préférentielles et des relations interdites, que la première combinatoire des échanges de femmes entre les lignées nominales prend son appui -

1955/56 - Les psychoses - 191 - Le sujet trouve sa place dans un appareil symbolique préformé qui instaure la loi dans la sexualité. Et cette loi ne permet plus au sujet de réaliser sa sexualité que sur le plan symbolique. c'est ce que veut dire l'œdipe.

1957/58 - Les formations de l'inconscient - 07/05/58 - Il y a besoin d'un au-delà de la demande pour autant (...) que la demande par ses nécessités articulatoires [de langage], dévie, change, transpose le besoin. Il y a donc la possibilité d'un résidu. - c'est cela que nous appelons désir - nous devons retrouver quelque chose où l'autre perde sa prévalence, où (...) le besoin en tant qu'il part du sujet, reprend la première place. - il s'agit précisément de trouver (...) la marge de ce qui s'est perdu dans cette demande, et l'au-delà c'est précisément le caractère de condition absolue qui est dans le désir, ce qui se présente dans le désir comme tel, c'est ce quelque chose qui est emprunté bien entendu au besoin sexuel. Comment ferions-nous nos désirs, si ce n'est en empruntant la matière première à nos besoins ? Mais cela passe à un caractère non pas d'inconditionné [comme la demande], puisqu'il s'agit de quelque chose d'emprunté à un besoin particulier, mais d'une condition absolue, sans mesure avec aucune proportion du besoin à un objet quelconque, (...) elle abolit là la dimension de l'autre, (...) c'est une exigence où l'autre n'a pas à répondre oui ou non. - Le désir (...) c'est ce quelque chose d'arraché au terrain des besoins, qui prend forme de condition absolue par rapport à l'autre. C'est précisément la marge, le résultat de la soustraction si l'on peut dire, de l'exigence du besoin par rapport à la demande d'amour. - C'est en raison de cela que le désir sexuel va venir à cette place, justement dans la mesure où le désir sexuel se présente par rapport au sujet (...) essentiellement problématique , et sur deux plans - un besoin qui incontestablement le pousse à des extrémités aberrantes, pour la raison qu'il ne correspond à aucun besoin immédiatement rationalisable, mais qui introduit dans l'individu, disons ce qu'on a appelé la dialectique de l'espèce. - D'autre part, au regard de la demande d'amour (...), dans toutes les langues, formuler sa demande est problématique - [car en matière sexuelle] se profile ceci : c'est que l'autre entre en jeu (...) sous la forme de l'instrument du désir. - il n'y a pas de mot pour exprimer (...) le désir, pour exprimer le désir, comme la sagesse populaire le sait dort bien, il n'y a que du baratin. La question du signifiant du désir se pose donc comme telle, et c'est pour cela que ce qui l'exprime n'est pas un signifiant comme les autres, c'est [côté besoin] quelque chose qui en effet est emprunté à une forme prévalente de la poussée du flux vital (...), mais qui n'en est pas moins pris dans cette dialectique au titre de signifiant - [et côté demande] la mortification ambiguë se présente très précisément sous la forme du VOILE. [particulièrement chez l'hystérique qui suspend si opiniâtrement son désir à la demande] - J'ai fait allusion à ce voile qui recouvre très régulièrement [même chez les primitifs] chez l'homme le phallus. C'est exactement la même chose qui recouvre à peu près normalement la totalité de l'être de la femme, pour autant que ce qu'il s'agit justement qui soit derrière, ce qui est voilé, c'est le signifiant du phallus. -

1958 - La signification du phallus - 695 - [phallus] [Alors que chez la femme] convergent sur le même objet une expérience d'amour qui comme telle (...) la prive idéalement de ce qu'il donne [son homme], et un désir qui y trouve [métaphoriquement] son signifiant] - Si l'homme trouve (...) à satisfaire sa demande d'amour dans la relation à la femme pour autant que le signifiant du phallus la constitue bien comme donnant dans l'amour ce qu'elle n'a pas - inversement son propre désir du phallus fera surgir [métonymiquement] son signifiant dans sa divergence rémanente vers "une autre femme" qui peut signifier ce phallus à divers titres, soit comme vierge, soit comme prostituée. Il en résulte une tendance centrifuge de sa pulsion génitale dans la vie amoureuse, qui rend chez lui l'impuissance beaucoup plus mal supportée [que la frigidité chez la femme] - Il ne faudrait pas croire que la sorte d'infidélité qui apparaîtrait là constitutive de la fonction masculine, lui soit propre. Car si l'on y regarde de près le même dédoublement se retrouve chez la femme, à ceci près que l'Autre de l'Amour comme tel, cad en tant qu'il est privé de ce qu'il donne, s'aperçoit mal dans le recul où il se substitue à l'être du même homme dont elle chérit les attributs. [Cad qu'il y en a toujours un autre qu'elle aime?]

1962/63 - L'angoisse - 29/05/63 - le phallus fonctionne partout, sauf là où on l'attend (...) nommément au stade phallique - c'est cet évanouissement de la fonction phallique comme telle à ce niveau où il est attendu pour fonctionner, qui est le principe de l'angoisse de castration. D'où la notation (moins phi) dénotant cette carence - 05/06/63 - Que le phallus ne se trouve pas là où on l'attend (...) à savoir sur le plan de la médiation génitale, voilà ce qui explique que l'angoisse est la vérité de la sexualité, cad ce qui apparaît chaque fois que son flux se retire, montre le sable. La castration est le prix à payer de cette structure, elle se substitue à cette vérité. Mais en fait, ceci est un jeu illusoire, il n'y a pas de castration parce que (...) il n'y a pas d'objet à castrer - Le phallus, là où il est attendu comme sexuel, n'apparaît jamais que comme manque -

1964 - Position de l'inconscient - 448-449 - La libido est cette lamelle que glisse l'être de l'organisme à sa véritable limite, qui va plus loin que celle du corps. - Le sujet parlant a ce privilège de révéler le sens mortifère de cet organe, et par là son rapport à la sexualité. Ceci parce que le signifiant comme tel, a, en barrant le sujet par première intention, fait entrer en lui le sens de la mort. (La lettre tue, mais nous le savons de la lettre elle-même.) C'est ce par quoi toute pulsion est virtuellement pulsion de mort. - Il n'est pas d'autre voie où se manifeste dans le sujet d'incidence de la sexualité. La pulsion en tant qu'elle représente la sexualité dans l'inconscient n'est jamais que pulsion partielle. - Ce que notre expérience démontre de vacillation dans le sujet concernant son être de masculin ou de féminin, n'est pas tellement à rapporter à sa bisexualité biologique, qu'à ce qu'il n'y a rien dans sa dialectique qui représente la bipolarité du sexe, si ce n'est l'activité et la passivité, c'est-à-dire une polarité pulsion-action-de-l'extérieur, qui est tout à fait impropre à la représenter dans son fonds. C'est là où nous voulons en venir en ce discours, que la sexualité se répartit d'un côté à l'autre de notre bord en tant que seuil de l'inconscient, comme suit : Du côté du vivant en tant qu'être à être pris dans la parole (...) il n'y a d'accès à l'Autre du sexe opposé que par la voie des pulsions dites partielles où le sujet cherche un objet qui lui remplace cette perte de vie qui est la sienne d'être sexué. Du côté de l'Autre, du lieu où la parole se vérifie de rencontrer l'échange des signifiants, les idéaux qu'ils supportent, les structures élémentaires de la parenté, la métaphore du père comme principe de la séparation, la division toujours rouverte dans le sujet dans son aliénation première, de ce côté seulement et par ces voies que nous venons de dire, l'ordre et la norme doivent s'instaurer qui disent au sujet ce qu'il faut faire comme homme ou femme.

1964 - Les quatre concepts… - 62 - [Réponse à F. Dolto] La description des stades, formateurs de la libido, ne doit pas être référée à une pseudo-maturation naturelle, qui reste toujours opaque. Les stades s'organisent autour de l'angoisse de castration. Le fait copulatoire de l'introduction de la sexualité est traumatisant (...) et il a une fonction organisatrice pour le développement. L'angoisse de castration est comme un fil qui perfore toutes les étapes du développement. Elle oriente les relations qui sont antérieures à son apparition proprement dite - sevrage, discipline anale, etc. Elle cristallise chacun de ces moments dans une dialectique qui a pour centre une mauvaise rencontre. Si les stades sont consistants, c'est en fonction de leur registration possible en termes de mauvaise rencontre. La mauvaise rencontre centrale est au niveau du sexuel. - 160 - au regard de la finalité biologique de la sexualité, à savoir la reproduction, les pulsions (...) sont des pulsions partielles. - C'est en raison de la réalité du système homéostasique que la sexualité n'entre en jeu que sous la forme des pulsions partielles. La pulsion est précisément ce montage par quoi la sexualité participe à la vie psychique, d'une façon qui doit se conformer à la structure de béance qui est celle de l'ics. Plaçons-nous aux deux extrêmes de l'expérience analytique. La refoulé primordial est un signifiant, et ce qui s'édifie par-dessus pour constituer le symptôme, nous pouvons toujours le considérer comme échafaudage de signifiants. - 161 - A l'autre extrémité, il y a l'interprétation. - une structure temporelle spéciale, que j'ai essayé de définir par la métonymie. L'interprétation, dans son terme, pointe le désir, auquel, en un certain sens, elle est identique. - Dans l'intervalle, la sexualité - sous la forme des pulsions partielles - L'intégration de la sexualité à la dialectique du désir passe par la mise en jeu de ce qui, dans le corps, méritera que nous le désignions par le terme d'appareil - si vous voulez bien entendre par là ce dont le corps, au regard de la sexualité, peut s'appareiller, à distinguer de ce dont les corps peuvent s'apparier.