Signification

1953/54 - Les écrits techniques de Freud - 272 - la signification d'un terme doit être définie par l'ensemble de ses emplois possibles. Cela peut s'étendre aussi à des groupes de termes. - Mais [comme le lui a dit Benveniste] il y a une limite, et c'est celle-ci - la phrase, elle, n'a pas d'emploi. Il y a donc deux zones de la signification [: la parole et le langage]

1955/56 - Les psychoses - 43 - [délire] [Alors que normalement le signifiant renvoie toujours à un autre s., dans la cas du paranoïaque] C'est une signification qui ne renvoie foncièrement à rien qu'elle-même, qui reste irréductible. - qui renvoie à la s. en tant que telle. - Le malade souligne lui-même que le mot fait poids en lui-même - [Sur le plan du signifiant on distingue] deux types de phénomènes où se distingue le néologisme - l'intuition et la formule. / L'intuition délirante est un phénomène plein qui a pour le sujet un caractère comblant, inondant. - Là, le mot - avec sa pleine emphase, comme on dit le mot de l'énigme - est l'âme de la situation. / A l'opposé, il y a la forme que prend la s. quand elle ne renvoie plus à rien. C'est la formule qui se répète, qui se réitère, qui se serine avec une insistance stéréotypée. - 44 - C'est ce que nous pouvons appeler, à l'opposé du mot, la ritournelle.

- 65 - Que la signification soit de la nature de l'imaginaire n'est pas douteux. Elle est, comme l'imaginaire, toujours en fin de compte évanescente, car elle est strictement liée à ce qui vous intéresse, cad ce en quoi vous êtes pris.

- 185 - le préverbal (...) est, dans la doctrine analytique, essentiellement lié au préconscient. -participe ainsi de ce que nous pouvons appeler une Gestalt intramondaine. - chatoiement innombrable de la grande signification affective. - L'universelle équivalence est la loi de ce monde-là. - 186 - on peut dire que les idées-schèmes de Kant se situent à l'orée de ce domaine [imaginaire] -

- 208 - Dégager une loi naturelle, c'est dégager une formule insignifiante. [Mais avec du signifiant] Moins elle signifie quelque chose, plus nous sommes contents. - 209 - Il ne faudrait pas croire pour autant que notre physique implique la réduction de toute signification. A la limite il y en a une, mais sans personne pour la signifier. A l'intérieur de la physique, la seule existence d'un système signifiant implique au moins cette signification, qu'il y en ait un, d'Umwelt [univers]. - 213 - le développement de l'être humain n'est d'aucune façon directement déductible de la construction, des interférences, de la composition des significations, cad des instincts.

- 303 - vous me permettrez de représenter la fonction du signifiant par un artifice spatialisant (...) un point de capiton. - c'est là le point où viennent se nouer le signifié et le signifiant, entre la masse toujours flottante des significations [cf. Saussure] - et le texte. - [Dans Athalie de Racine] Le point de capiton est le mot crainte , avec toutes ses connotations trans-significatives. Autour de ce signifiant, tout s'irradie et tout s'organise, à la façon de ces petites lignes de force formées à la surface d'une trame par le point de capiton. C'est le point de convergence qui permet de situer rétroactivement et prospectivement tout ce qui se passe dans ce discours. - 304 - pourquoi ce privilège du complexe d'Œdipe ? - Pourquoi est-ce là un nœud qui lui [Freud] paraît si essentiel (...) - si ce n'est parce que la notion du père, très voisine de celle de crainte de Dieu, lui donne l'élément le plus sensible dans l'expérience de ce que j'ai appelé le point de capiton entre le signifiant et le signifié. - [Dans la psychose] le signifiant et le signifié se présentent sous une forme complètement divisée. - [Combien faut-il de ces] points d'attache fondamentaux entre le sa et la sé nécessaires à ce qu'un être humain soit dit normal, et qui, lorsqu'ils ne sont pas établis, ou qu'ils lâchent, font le psychotique

- 310 - le je n'est jamais là où il apparaît sous la forme d'un signifiant particulier. - Le je est le je qui prononce le discours. - C'est à l'intérieur de cette énonciation que le tu apparaît. - 314 - la QUESTION que je me pose sur ce que je suis (... - ...) affleure sous des formes qui n'ont rien d'interrogatif, comme Puissé-je y arriver ! - toujours latente, jamais posée - 315 - si elle surgit, c'est toujours en raison d'un mode d'apparition de la parole que nous pouvons appeler de différentes façons, la mission, le mandat, la délégation, ou encore, la dévolution, par référence à Heidegger. C'est le fondement de la parole fondatrice - tu es ceci, ma femme, mon maître - [En effet] au tu es mon maître , répond un certain que suis-je ? - Que suis-je pour l'être, si tant est que je le sois ? Ce l apostrophe n'est pas le maître pris comme objet [ce serait alors un "petit maître", un surmoi], c'est l'énonciation totale [là est le sujet] de la phrase qui dit je suis ton maître , comme si ton maître avait un sens par le seul hommage que j'en reçoit. - Quelle est la différence entre tu es celui qui me suivras partout [1] et tu es celui qui me suivra partout [2] ? - 316 - Nous avons une principale à la deuxième personne, tu es celui . Qui est l'écran? Va-t-il ou non laisser passer dans la relation le tu ? - [1] est à tout le moins une élection (...), une dévolution, une délégation, un investissement. [2] est une constatation [plutôt navrée]. - Si d'un côté ça verse au sacrement, de l'autre ça irait assez vite du côté de la persécution - [ambiguïté en français du verbe suivre. Au mieux] ça reste ouvert. - c'est un nœud, un point de serrage dans un faisceau de significations, acquis ou non par le sujet - La présence du tu dans le suivras intéresse la personnaison du sujet auquel on s'adresse. - [tu es la femme qui ne m'abandonnera pas // tu es la femme qui ne m'abandonneras pas ] je manifeste, dans le premier cas, une beaucoup plus grande certitude, et dans le second, une beaucoup plus grande confiance.- 317 - [cf. également la "voix moyenne dans les langues indo-européennes où] le sujet fait pour lui l'action dont il s'agit. Il y a par exemple deux formes différentes pour dire Je sacrifie , selon que c'est comme sacrificateur ou comme celui qui offre le sacrifice. - le sujet se constitue comme tel dans le procès ou l'état que le verbe exprime. - 318 - Tout (...) change selon l'accent donné au signifiant - l'accent que va prendre pour le sujet la première partie de la phrase, tu es celui qui... , selon que la partie signifiante aura été par lui conquise, et assumée, ou au contraire verworfen , rejetée. [Dans l'écriture, le seul indice de changement, c'est la lettre, le s] - 319 - Que se passe-t-il si manque le signifiant qui donne à la phrase son poids, et son accent au tu ? Si ce signifiant est entendu, mais si rien chez le sujet ne peut y répondre ? La fonction de la phrase se réduit alors à la seule portée du tu - Le tu est [tu es... : tuez] exactement celui auquel je m'adresse, et rien d'autre. - C'est exactement ce qu'on observe dans les phrases interrompues de Schreber, qui s'arrêtent précisément au point où va surgir un signifiant qui reste problématique, chargé d'une signification certaine, mais on ne sait pas laquelle. - [Par rapport au schéma L qui est] celui de la parole - le A est niveau du tu , le petit a' au niveau de qui me , et le S au niveau de suivras . - 336 - tu n'a aucun sens propre. - Il ne se confond nullement avec l'allocutaire, à savoir celui à qui on parle. C'est évident, puisqu'il est très souvent absent. - [Il est aussi bien dans] Au feu ! [puisque que] ce n'est pas sans provoquer quelque réaction. - Le tu est l'ameçonnage de l'Autre dans l'onde de la signification. / Ce terme qui sert à identifier l'autre en un point de cette onde, est en fin de compte (...) une ponctuation. - 338 - la ponctuation est ce qui y joue ce rôle d'accrochage le plus décisif. - que faut-il pour le promouvoir à la subjectivité ? - 339 - Eh bien, je crois que c'est essentiellement quand il est pris dans la fonction copulaire à l'état pur, et dans la fonction ostensive. - [tu es celui qui me suivras doit se traduire en c'est toi qui me suivra , où l'on retrouve la copule et l'ostension. Bien entendu, cela peut déraper:] 340 - du même coup, je sors l'autre de cet univers, je l'objective, je lui désigne ses relations d'objet, pour peu qu'il ne demande que ça, comme c'est le cas du névrosé. - 341 - [On retombe alors sur] le plan du moi ou toi , l'un ou l'autre [rivalité narcissique] - c'est le tu es celui qui me tues. [tu es celui qui me...(forclusion) tu es celui etc = tu es celui qui me tu, qui me tues] - ce que nous appellerons la tutoïté - [cf. Surmoi, Loi] - 343 - [Dans l'autre sens, au sens plein] C'est au tu lui-même que nous nous adressons en tant qu'inconnu. C'est là ce qui fait son aisance, sa force aussi, et aussi qu'il passe de tu es dans le suivras de la seconde partie en y persistant. Il y persiste précisément parce que dans l'intervalle il peut y défaillir. Dans cette formule, ce n'est donc pas à un moi en tant que je le fais voir, que je m'adresse, mais à tous les signifiants qui composent le sujet auquel je suis opposé. Je dis tous les signifiants qu'il possède, jusques et y compris ses symptômes. C'est à ses dieux comme à ses démons que nous nous adressons - et c'est pourquoi je pense que le terme d'invocation est propre à désigner la forme la plus élevée de la phrase - Vous venez de voir en quoi le tu dépend du signifiant comme tel.

- 327 - [forclusion] La différence qu'il y a entre la grand'route et le sentier des éléphants, c'est que nous, nous nous y arrêtons (...), au point de nous agglomérer - la grand-route est un site, autour de quoi non seulement s'agglomèrent toutes sortes d'habitations, de lieux de séjour, mais aussi qui polarise, en tant que signifiants [points de capiton], les significations. - les villes se sont formées (...) au nœud des routes. - 329 - Quel est le signifiant qui est mis en suspens dans sa crise inaugurale [de Schreber] ? C'est le signifiant procréation - la sommation de ces faits - copuler avec une femme, qu'elle porte ensuite quelque chose pendant un certain temps dans son ventre, que ce produit finisse par être éjecté - n'aboutira jamais à constituer la notion de ce que c'est qu'être père . Je ne parle même pas de tout le faisceau culturel [imaginaire] impliqué dans le terme. - 330 - Le signifiant être père est ce qui fait la grand route entre les relations sexuelles avec une femme. Si la grand-route n'existe pas, on se trouve devant un certain nombre de petits chemins élémentaires, copuler et ensuite la grossesse d'une femme. - Cad que, là où le signifiant ne fonctionne pas, ça se met à parler tout seul au bord de la route, des mots écrits apparaissent sur des écriteaux. [hallucination]

1957 - L'instance de la lettre dans l'inconscient - 502 - les corrélations du signifiant au signifiant y [dans une langue] donnent l'étalon de toute recherche de signification - Car le signifiant de sa nature anticipe toujours sur le sens en déployant en quelque sorte au devant de lui sa dimension. Comme il se voit au niveau de la phrase quand elle s'interrompt avant le terme signification : Jamais je ne..., Toujours est-il..., Peut-être encore... Elle n'en fait pas moins sens, et d'autant plus oppressant qu'il se suffit à se faire attendre. - D'où l'on peut dire que c'est dans la chaîne du signifiant que le sens insiste , mais qu'aucun des éléments de la chaîne ne consiste dans la signification dont il est capable au moment même.

1957/58 - Les formations de l'inconscient - 20/11/57 - Il faut que nous considérions toutes les significations humaines comme ayant été à quelque moment métaphoriquement engendrées par des conjonctions signifiantes - [métaphore]

1958/59 - Le désir et son interprétation - Ici le deuxième point de recoupement [sur le graphe] est le point où se produit le message, et est constitué par ceci : c'est que c'est toujours par un jeu rétroactif de la suite des signifiants que la signification s'affirme et se précise, cad que c'est après coup que le message prend forme à partir du signifiant qui est là en avant de lui, du code qui est en avant de lui, et sur lequel inversement lui, le message, pendant qu'il se formule à tout instant, anticipe, tire une traite.

1960 - Subversion du sujet et dialectique du désir - 805 - Ce point de capiton, trouvez-en la fonction diachronique dans la phrase, pour autant qu'elle ne boucle sa signification qu'avec son dernier terme, chaque terme étant anticipé dans la construction des autres, et inversement scellant leur sens par son effet rétroactif. - [cf. graphe] s(A) est ce qu'on peut appeler la ponctuation où la signification se constitue comme produit fini. Observons la dissymétrie de l'un [A] qui est un lieu (place plutôt qu'espace) à l'autre [s(A)] qui est un moment (scansion plutôt que durée).

1964 - Les quatre concepts… - 12 - le terme de recherche, je m'en méfie. Pour moi, je ne me suis jamais considéré comme un chercheur. Comme l'a dit un jour Picasso (...) - Je ne cherche pas, je trouve. - Aussi bien, y a-t-il sans doute quelque affinité entre la recherche qui cherche et le registre religieux. Il s'y dit couramment - Tu ne me chercherais pas si tu ne m'avais déjà trouvé. Le déjà trouvé est toujours derrière, mais frappé par quelque chose de l'ordre de l'oubli. N'est-ce pas ainsi une recherche complaisante, indéfinie, qui s'ouvre alors ? - [Dans les sciences humaines] on y voit surgir, sous les pas de quiconque trouve, ce que j'appellerai la revendication herméneutique, qui est justement celle qui cherche - qui cherche la signification toujours neuve et jamais épuisée, mais menacée d'être coupée en herbe par celui qui trouve. - 224 - il s'agit, dans la métaphore, de marquer l'effet de sens - 225 - ce qui se passe est qu'un signifiant substitutif est venu à la place d'un autre signifiant, constituer l'effet de métaphore. Il renvoie ailleurs le signifiant qu'il a chassé. Si on veut justement conserver la possibilité d'un maniement de type fractionnel, on mettra le signifiant disparu, le signifiant refoulé, au-dessous de la barre principale - Par conséquent, il est faux qu'on puisse dire que l'interprétation (...) est ouverte à tout sens sous prétexte qu'il ne s'agit que de la liaison d'un signifiant à un signifiant, et par conséquent d'une liaison folle. - 226 - L'interprétation est une signification qui n'est pas n'importe laquelle. Elle vient à la place du s , et renverse le rapport qui fait que le signifiant a pour effet, dans le langage, le signifié. Elle a pour effet de faire surgir un signifiant irréductible. - Elle est une interprétation significative, et qui ne doit pas être manquée. Cela n'empêche pas que ce n'est pas cette signification qui est, par l'avènement du sujet, essentielle. Ce qui est essentiel, c'est voir, au-delà de cette signification, à quel signifiant (...) il est, comme sujet, assujetti. - à savoir dans quelque chose d'irréductible, de non-sensical qui fonctionne comme signifiant originellement refoulé - cf. schéma p.226 - En tant que le signifiant primordial est pur non-sens, il devient porteur de l'infinitisation de la valeur du sujet, non point ouverte à tous les sens, mais les abolissant tous, ce qui est différent.