Loi

1953 - Les écrits techniques de Freud - 154 - L'un [moi-idéal] est sur le plan de l'imaginaire, et l'autre [idéal-du-moi] sur le plan du symbolique - puisque l'exigence de l'Ich-Ideal prend sa place dans l'ensemble des exigences de la loi.

1955/56 - Les psychoses - 311 - Le tu n'est pas toujours le tu plein dont on fait si grand état [cf. Sujet…] - [Il est aussi dans l'emploi du On dépersonnalisant : "On ne marche pas sur les pelouses".- En fait, ce tu qu'on tue là, c'est celui que nous connaissons parfaitement par la phénoménologie de la psychose, et par l'expérience commune, c'est le tu qui nous dit tu - 312 - Nous reconnaissons ici notre bon vieil ami le surmoi, qui nous apparaît tout d'un coup sous sa forme phénoménale, plutôt que sous d'aimables hypothèses génétiques. Ce surmoi est bien quelque chose comme la loi, mais c'est une loi sans dialectique, et ce n'est pas pour rien qu'on le reconnaît, plus ou moins justement, dans l'impératif catégorique, avec ce que j'appellerai sa neutralité malfaisante - il est aussi là comme un observateur - il voit tout, entend tout, note tout. -

1957/58 - Les formations de l'inconscient - 22/01/58 - un monde où règne la parole, c'est qu'il soumet le désir de chacun à la loi du désir de l'autre (...) en tant que [le sujet] franchit plus ou moins heureusement cette ligne de la chaîne signifiante [par la demande] - La loi de la mère, c'est, bien entendu, le fait que la mère est un être parlant et cela suffit à légitimer que je dise "la loi de la mère". Néanmoins, cette loi est, si je puis dire, une loi incontrôlée. Cette loi est aussi bien, en tout cas pour le sujet [enfantin], simplement le fait qu'il y ait "loi", cad que quelque chose de son désir est complètement dépendant de quelque chose - cette loi est tout entière dans le sujet qui la supporte, à savoir dans le bon ou le mauvais vouloir de la mère, la bonne ou la mauvaise mère. - L'enfant s'ébauche, s'ébauche comme "assujet" ; c'est un assujet parce qu'il s'éprouve et se sent d'abord comme profondément assujetti au caprice de ce dont il dépend, même si ce caprice est un caprice articulé. - [La loi du père, quand elle intervient, est essentiellement une limitation de cette loi anarchique ; elle n'est pas plus contraignante ; et pourtant c'est elle qui régit déjà le désir de la mère... Le père interdit donc beaucoup plus l'enfant à la mère que la mère à l'enfant. C'est aussi en cela que la loi préexiste à tout interdit, tout interdit "direct", que le surmoi n'est pas premier, etc.] - [Le moment de cette nouvelle loi] concerne les rapports non pas simplement de la personne de la mère avec la personne du père, mais de la mère avec la parole du père, avec le père en tant que ce qu'il dit n'est pas absolument équivalent à rien. - le père donc en tant que nom du père (...) à savoir comme étroitement lié à cette énonciation de la loi - [Déjà le fait que l'enfant s'identifie primitivement au phallus prouve sa primauté:] c'est l'étape, si je puis dire, phallique primitive, celle où la métaphore paternelle agit en soi -

1958/59 - Le désir et son interprétation - 10/06/59 - Le désir, de toutes les demandes, se distingue en ceci qu'il est une demande soumise à la loi.

1959/60 - L'éthique de la psychanalyse - 82 - Freud désigne dans l'interdiction de l'inceste le principe de la loi primordiale (...) et en même temps, il identifie l'inceste au désir le plus fondamental. - Il est important qu'il y ait eu un homme qui, à un moment donné de l'histoire, se soit levé pour dire - C'est là le désir essentiel. - pourquoi le père n'épouse pas sa fille [là on connaît la réponse] - il faut que les filles soient échangées. Mais pourquoi le fils ne couche-t-il pas avec sa mère ? Là, quelque chose reste voilé. - 83 - Ce que nous trouvons dans la loi de l'inceste se situe comme tel au niveau du rapport ics avec das Ding , la Chose. Le désir pour la mère ne saurait être satisfait parce qu'il est la fin, le terme, l'abolition de tout le monde de la demande, qui est celui qui structure le plus profondément l'ics de l'homme [le langage]. - 84 - [les fameux 10 commandements] ne sont peut-être que les commandements de la parole, je veux dire qu'ils explicitent ce sans quoi il n'y a pas de parole - je n'ai pas dit de discours - possible. - dans ces dix commandements nulle part il n'est signalé qu'il ne faut pas coucher avec sa mère.- ne pourrions-nous (...) les interpréter comme quelque chose de fort proche de ce qui fonctionne effectivement dans le refoulement de l'ics ? Les dix commandements sont interprétables comme destinés à tenir le sujet à distance de toute réalisation de l'inceste, à une condition et à une seule, c'est que nous nous apercevions que l'interdiction de l'inceste n'est pas autre chose que la condition pour que subsiste la parole. - [parole et non discours. De même] que personne, je vous en prie, ne s'arrête à l'idée que les dix commandements seraient la condition de toute vie sociale. Car à la vérité comment, sous un autre angle, ne pas s'apercevoir (...) qu'ils sont en quelque sorte le catalogue et le chapitre de nos transactions de chaque instant ? Ils étalent la dimension de nos actions en tant que proprement humaines. En d'autres termes, nous passons notre temps à violer les dix commandements, et c'est bien pour cela qu'une société est possible. - 85 - Eh bien, le pas fait, au niveau du principe du plaisir, par Freud, est de nous montrer que qu'il n'y a pas de Souverain Bien - que le Souverain Bien, qui est das Ding , qui est la mère, l'objet de l'inceste, est un bien interdit, et qu'il n'y a pas d'autre bien. Tel est le fondement, renversé chez Freud, de la loi morale. - 89 - Das Ding se présente au niveau de l'expérience ics comme ce qui déjà fait loi. - C'est une loi de caprice, d'arbitraire, d'oracle aussi, une loi de signes où le sujet n'est garanti par rien - Encore faut-il dire que das Ding n'est pas à ce niveau distingué comme mauvais. Le sujet n'a au mauvais objet pas la moindre approche, puisque déjà, par rapport au bon, il se tient à distance. Il ne peut pas supporter l'extrême du bien que peut lui apporter das Ding - 101 - Est-ce que la Loi est la Chose ? Que non pas. Toutefois je n'ai eu connaissance de la Chose que par la Loi. En effet je n'aurais pas eu l'idée de la convoiter si la Loi n'avait dit - Tu ne la convoiteras pas. - car sans la Loi la Chose est morte. Or, moi j'étais vivant jadis, sans la Loi. Mais quand le commandement est venu, la Chose a flambé, est venue à nouveau, alors que moi, j'ai trouvé la mort. Et pour moi, le commandement qui devait mener à la vie s'est trouvé mener à la mort, car la Chose trouvant l'occasion m'a séduit grâce au commandement, et par lui m'a fait désir de mort. - à une toute petite modification près - Chose à la place de péché -, ceci est le discours de Saint Paul concernant les rapports de la loi et du péché - Le rapport dialectique du désir et de la Loi fait notre désir ne flamber que dans un rapport à la Loi , par où il devient désir de mort. - l'éthique psy nous laisse-t-elle devant cette dialectique ? Nous avons à explorer ce qu'au cours des âges l'être humain a été capable d'élaborer qui transgresse cette Loi, le mette dans un rapport au désir qui franchisse ce lien d'interdiction, et introduise, au-dessus de la morale, une érotique. - 222 - [cf. l'historiette de Kant concernant] le personnage mis en posture d'être à la sortie exécuté, s'il veut aller trouver la dame qu'il désire illégalement - Là-dessus, Kant, le cher Kant dans toute son innocence, sa rouerie innocente, nous dit que (...) tout un chacun, tout homme de bon sens, dira non. Personne n'aura la folie, pour passer une nuit avec sa belle, de courir à une issue fatale, puisqu'il ne s'agit pas seulement d'une lutte, mais d'une exécution au gibet. Pour Kant, la question ne fait pas un pli. - Mais remarquez ceci - il suffit que, par un effort de conception, nous fassions passer la nuit avec la dame de la rubrique du plaisir à celle de la jouissance, en tant que la jouissance - nul besoin de sublimation pour cela - implique précisément l'acceptation de la mort [y compris d'autrui...], pour que l'exemple soit anéanti. Autrement dit, il suffit que la jouissance soit un mal pour que la chose change complètement de face, et que le sens de la loi morale soit dans l'occasion complètement changé. Tout un chacun s'apercevra en effet que, si la loi morale est susceptible de jouer ici quelque rôle, c'est précisément à servir d'appui à cette jouissance, à faire que le péché devienne ce que saint Paul appelle démesurément pécheur [? cannibalisme : surmoi/voix -> jouissance/bouche]. Voilà ce qu'en cette occasion Kant ignore simplement. - 228 - [surmoi] c'est pour autant que le sujet retourne l'agressivité contre lui qu'en provient l'énergie dite du surmoi. Freud prend soin d'ajouter (...) qu'une fois entré dans cette voie, une fois amorcé le processus, il n'y a plus de limite - il engendre une agression toujours plus lourde du moi. Il l'engendre à la limite, à savoir pour autant que vient à manquer la médiation qui est celle de la Loi. De la Loi, pour autant qu'elle proviendrait d'ailleurs - mais de cet ailleurs où vient à faire défaut son répondant, celui qui la garantit, à savoir Dieu lui-même.

1960 - Remarque sur le rapport de Daniel Lagache - 684 - Or sur ces tables [de la Loi], rien n'est écrit pour qui sait lire hormis les lois de la Parole même.

1962/63 - L'angoisse - 19/12/62 - le désir et la loi, ce qui paraît s'opposer dans un rapport d'antithèse, ne sont qu'une seule et même barrière pour nous barrer l'accès de la chose. - 27/02/63 - la loi morale est hétéronome ; c'est pourquoi j'insiste sur ceci qu'elle provient de ce que j'appelle le réel en tant qu'il intervient (...) en élidant le sujet, en déterminant de par son intervention même ce qu'on appelle le refoulement - non pas l'effacement des traces, mais le retour du signifiant à l'état de traces, l'abolition de ce passage de la trace au signifiant qui est constitué par (...) un soulignage, un barrage, une marque de la trace. - Le réel renvoyant le sujet à la trace, abolit le sujet aussi du même coup ; car il n'y a de sujet que par le signifiant, que par ce passage au signifiant -

1964 - Du "Trieb" de Freud… - 852 - Freud nous révèle que c'est grâce au Nom-du-Père que l'homme ne reste pas attaché au service sexuel de la mère, que l'agression contre le Père est au principe de la Loi et que la Loi est au service du désir qu'elle institue par l'interdiction de l'inceste. [La Chose est impossible, mais c'est le désir qui est interdit.]