Mort

1938 - Interventions de J.L. à la S.P.P. - 13 - Le sens de la vie de l'homme étant, dans son vécu, intriqué avec le sens de la mort, ce qui spécifie l'homme par rapport à l'instinct de mort, c'est que l'homme est l'animal qui sait qu'il mourra, qu'il est un animal mortel. [Le problème de la nature biologique de cette pulsion n'est donc pas totalement fondé ; elle prend les détours d'une conscience, ou d'une expérience de la mort.]

1948 - L'agressivité en psychanalyse - 123 - la crainte de la mort, du "Maître absolu" (...) est psychologiquement subordonnée à la crainte narcissique de la lésion du corps propre. -

1953 - Fonction et champ de la parole… - 198 - On sait la note de travail forcé qui chez ce sujet [obsessionnel] enveloppe jusqu'à ses loisirs. / Ce sens est soutenu par sa relation subjective au maître en tant que c'est sa mort qu'il attend. - L'esclave s'est dérobé devant le risque de la mort, où l'occasion de la maîtrise lui était offerte dans une lutte de pur prestige. Mais puisqu'il sait qu'il est mortel, il sait aussi que le maître peut mourir. Dès lors, il peut accepter de travailler pour le maître et de renoncer à la jouissance entre-temps : et, dans l'incertitude du moment où arrivera la mort du maître, il attend. / Telle est la raison intersubjective tant du doute que de la procrastination - Cependant tout son travail s'opère sous le chef de cette intention, et devient de ce chef doublement aliénant. Car non seulement l'œuvre du sujet lui est dérobée par un autre, ce qui est la relation constituante de tout travail, mais (...) lui-même [comme sujet] "n'y est pas", il est dans le moment anticipé de la mort du maître, à partir de quoi il vivra, mais en attendant quoi il s'identifie à lui comme mort, et ce moyennant quoi il est lui-même déjà mort.

1955 - La Chose freudienne - 430 - Dans cette partie à quatre, l'analyste agira sur les résistances significatives qui lestent, freinent et dévient la parole, en apportant lui-même dans le quatuor le signe primordial de l'exclusion connotant l'ou bien - ou bien - de la présence ou de l'absence, qui dégage formellement la mort incluse dans la Bildung narcissique. - Ceci veut dire que l'analyste intervient concrètement dans la dialectique de l'analyse en faisant le mort, en cadavérisant sa position comme disent les Chinois, soit par son silence là où il l'autre avec un grand A, soit en annulant sa propre résistance là où il l'autre avec un petit a . Dans les deux cas et sous les incidences respectives du symbolique et de l'imaginaire, il présentifie la mort.

1956/57 - La relation d'objet - Ce Saint-Esprit dans son ensemble est la venue au monde, l'entrée dans le monde de signifiants. Qu'est-ce que c'est? C'est très certainement ce que Freud nous apporte sous le terme d'instinct de mort, c'est cette limite du signifié qui n'est jamais atteinte par aucun être vivant (...). (...) c'est très précisément à cette possibilité de suppression, de mise entre parenthèse de tout ce qui est vécu (...), c'est la mort qui est le support, la base, l'opération du Saint-Esprit par laquelle le signifiant existe [cf. Heidegger]. (...) c'est-à-dire du fait que le sujet est amené à se comporter d'une façon essentiellement signifiante en répétant indéfiniment quelque chose qui lui est à proprement parler mortel. (3)

1957 - Dialogue avec les philosophes français - la mort est plus présente dans l'existence du signifiant que dans aucune expérience vécue de l'angoisse -

1957/58 - Les formations de l'inconscient - 18/06/58 - ce qui sert de support à l'action symbolique propre qui s'appelle castration, est une image (...) choisie dans le système imaginaire - quelque chose dans l'image de l'autre est choisi pour porter la marque d'un manque qui est ce manque même par où le vivant s'aperçoit, parce qu'il est humain, cad parce qu'il est en rapport avec le langage, s'aperçoit comme exclu de l'omnitude des désirs, comme quelque chose de limité, de local, comme créature - nous sommes déjà morts par rapport (...) au mouvement lui-même de la vie, qu'à cause du langage nous sommes capables de projeter dans sa totalité, et même plus, dans sa totalité comme parvenue à sa fin. - système signifiant qui lui permet de dominer son immanence de vivant, et de s'apercevoir comme déjà mort. [Il n'y a pas d'autre explication à l'"instinct de mort"]. - Il n'y a pas d'expérience de la mort, bien entendu, qui puisse y répondre, et c'est bien pour cela que c'est symbolisé d'une autre façon. C'est symbolisé sur ce point et cet organe précis où apparaît de la façon la plus sensible, ce qui est la poussée de la vie. [phallus]

1959/60 - L'éthique de la psychanalyse - 341 - C'est dans le signifiant et pour autant que le sujet articule une chaîne signifiante, qu'il touche du doigt qu'il peut manquer à la chaîne de ce qu'il est - 351 - la fonction du désir doit rester dans un rapport fondamental avec la mort. Je pose la question - la terminaison de l'analyse, la véritable, j'entends celle qui prépare à devenir analyste, ne doit-elle pas à son terme affronter celui qui la subit à la réalité de la condition humaine ? - la détresse, où l'homme dans ce rapport à lui-même qui est sa propre mort - mais au sens où je vous ai appris à la dédoubler cette année -, n'a à attendre d'aide de personne.

1960/61 - Le Transfert - 120 - [entre-deux-morts] il n'y a pas pour l'homme coïncidence des deux frontières se rapportant à cette mort. [La 1ère est la mort naturelle, dans la 2ème] l'homme aspire à s'y anéantir pour s'y inscrire dans les termes de l'être. - c'est que l'homme aspire à se détruire en ceci même qu'il s'éternise. - Il n'y a pas une tragédie [antique] qui n'en soit éclairée - 121 - Que la mort du héros soit toujours placée entre une menace imminente portée à sa vie, et le fait qu'il l'affronte pour passer à la mémoire de la postérité. - 122 - [Ce commandement de la seconde mort] relevant de cette dette qui s'accumule sans coupable et se décharge sur une victime sans que celle-ci ait mérité la punition. C'est, pour tout dire, ce il ne savait pas que je vous ai inscrit au haut du graphe, sur la ligne dite de l'énonciation fondamentale de la topologie de l'ics. - Si Freud reconnaît sa découverte et son domaine de la tragédie d'Œdipe, ce n'est pas parce qu'Œdipe a tué son père, et pas plus parce qu'il a envie de coucher avec sa mère. - c'est [essentiellement] le il ne savait pas , qu'il avait tué son père et qu'il couchait avec sa mère. [savoir] - 124 - [Inversement c'est par la science et le discours] dans cette seconde mort - incarnée dans sa dialectique par le fait qu'il porte la cohérence du signifiant à la puissance absolue, à la puissance du seul fondement de la certitude - que lui, Socrate, trouvera sans aucun doute sa vie éternelle. - ces discours infinis - 126 - l'énergie de l'affirmation socratique concernant l'âme comme immortelle.

1961/62 - L'identification - 23/05/59 - il suffit de ne pas confondre la mort avec l'inanimé, quand dans la nature inanimée il suffit que nous baissant nous ramassions la trace de ce que c'est qu'une forme morte, le fossile, pour que nous saisissions que la présence du mort dans la nature c'est autre chose que l'inanimé.

1964 - Les quatre concepts… - 232 - pour l'homme, et parce qu'il connaît les signifiants, le sexe et ses significations sont toujours susceptibles de présentifier la présence de la mort. La distinction entre pulsion de vie et pulsion de mort est vraie pour autant qu'elle manifeste deux aspects de la pulsion. Mais c'est à condition de concevoir que toutes les pulsions sexuelles s'articulent au niveau des significations dans l'ics, pour autant que ce qu'elles font surgir, c'est la mort - ma mort comme signifiant et rien que comme signifiant - [La mort surgit] Par la fonction de l'objet "a", le sujet se sépare, cesse d'être lié à la vacillation de l'être -