Narcissisme

1933 - "Motifs du crime paranoïaque..." (Thèse) - 396-397 - lorsqu'aux premiers stades maintenant reconnus de la sexualité infantile s'opère la réduction forcée de l'hostilité primitive entre les frères, une anormale inversion peut se produire de cette hostilité en désir, et que ce mécanisme engendre un type spécial d'homosexuels chez qui prédominent les instincts et activités sociales. - [dans notre cas princepts, celui d'Aimée] chacune des persécutrices n'est vraiment rien d'autre qu'une nouvelle image, toujours toute prisonnière du narcisssisme, de cette sœur dont notre malade a fait son idéal. - Le "mal d'être deux" dont souffrent ces malades ne les libère qu'à peine du mal de Narcisse. Passion mortelle et qui finit par se donner la mort. Aimée frappe l'être brillant qu'elle hait justement parce qu'elle représente l'idéal qu'elle a de soi. - Mais il semble qu'entre elles les soeurs [Papin] ne pouvaient y même prendre la distance qu'il faut pour se meurtrir. - 398 - C'est leur détresse qu'elles détestent dans le couple qu'elles entraînent dans un atroce quadrille. [paranoïa]

1938 - Les complexes familiaux - 43 - le phénomène reçoit [son sens] des conditions libidinales qui entourent son apparition. Ces conditions ne sont que les tensions psychiques issues des mois de prématuration - d'une part, l'intérêt psychique se trouve déplacé sur des tendances visant à quelque recollement du corps propre ; d'autre part, la réalité, soumise d'abord à un morcellement perceptif (...) s'ordonne en reflétant les formes du corps, qui donnent en quelque sorte le modèle de tous les objets. - 44 - La tendance par où le sujet restaure l'unité perdue de soi-même prend place dès l'origine au centre de la conscience. - prédominance des fonctions visuelles - [la forme "la plus intuitive" de cette unité] en est donnée, à cette phase, par l'image spéculaire. Ce que le sujet salue en elle, c'est l'unité mentale qui lui est inhérente. Ce qu'il y reconnaît, c'est l'idéal de l'imago du double. - Le monde propre à cette phase est donc un monde narcissique. - 45 - le sujet ne se distingue pas de l'image elle-même. Appelons-là intrusion narcissique : l'unité qu'elle introduit dans les tendances contribuera pourtant à la formation du moi. - [en attendant cette image] l'aliène primordialement. - 60- l'examen de ces fantasmes qu'on trouve dans les rêves et dans certaines impulsions permet d'affirmer qu'ils ne se rapportent à aucun corps réel, mais à un mannequin hétéroclite, à une poupée baroque, à un trophée de membres où il faut reconnaître l'objet narcissique (...) : [dont la genèse est] conditionnée par la précession, chez l'homme, de formes imaginaires du corps sur la maîtrise du corps propre, par la valeur de défense que le sujet donne à ces formes, contre l'angoisse du déchirement vital, fait de la prématuration. Le fantasme de castration (...) représente la défense que le moi narcissique, identifié à son double spéculaire, oppose au renouveau d'angoisse qui, au premier mouvement de l'œdipe, tend à l'ébranler - A l'angoisse réveillée par cet objet, le sujet répond en reproduisant le rejet masochiste par où il a surmonté sa perte primordiale, mais il l'opère selon la structure qu'il a acquise, cad dans une localisation imaginaire [= phallique] de la tendance. - 79 - phase féconde du délire : phase où les objets, transformés par une étrangeté ineffable, se révèlent comme chocs, énigmes, significations. - 80 -[le] narcissisme se traduit dans la forme de l'objet [en avant de l'acmée de la crise]. - l'objet reste [alors] irréductible à aucune équivalence et le prix de sa possession, sa vertu de préjudice prévaudront sur toute possibilité de compensation ou de compromis : c'est le délire de revendication. - Ou bien la forme de l'objet peut restée suspendue à l'acmée de la crise, (...) l'imago ne se subjective pas par identification au double, et l'idéal du moi se projette itérativement en objets d'exemples (...) : c'est le délire sensitif de relations. Enfin l'objet peut retrouver en deça de la crise la structure de narcissisme primaire où sa formation s'est arrêtée. - c'est le syndrome de la persécution interprétative, avec son objet à sens homosexuel latent. A un degré de plus, le moi archaïque manifeste sa désagrégation dans le sentiment d'être épié, deviné, dévoilé, sentiment fondamental de la psychose hallucinatoire - Enfin, c'est la structure foncièrement anthropomorphique et organomorphique de l'objet qui vient au jour dans la participation mégalomaniaque, où le sujet, dans la paraphrénie, incorpore à son moi le monde, affirmant qu'il inclut le Tout, que son corps se compose des matières les plus précieuses, que sa vie et ses fonctions soutiennent l'ordre et l'existence de l'Univers.

1946 - Propos sur la causalité psychique - 186 - Cette tendance suicide qui représente à notre avis ce que Freud a cherché à situer dans sa métapsychologie sous le nom d'instinct de mort ou encore de masochisme primordial , dépend pour nous du fait que la mort de l'homme, bien avant qu'elle se reflète, de façon d'ailleurs toujours si ambiguë, dans sa pensée, est par lui éprouvée dans la phase de misère originelle qu'il vit, du traumatisme de la naissance jusqu'à la fin des six premiers mois de prématuration physiologique , et qui va retentir ensuite dans le traumatisme du sevrage . - 187 - Au départ de ce développement, voici donc liés le Moi primordial comme essentiellement aliéné et le sacrifice primitif comme essentiellement suicidaire : C'est-à-dire la structure fondamentale de la folie. Ainsi cette discordance primordiale entre le Moi et l'être serait la note fondamentale qui irait retentir en toute une gamme harmonique - 188 - cette passion d'être un homme, dirai-je, qui est la passion de l'âme par excellence, le narcissisme , lequel impose sa structure à tous ses désirs, fût-ce aux plus élevés.

1948 - L'agressivité en psychanalyse - 110 - Thèse IV : L'agressivité est la tendance corrélative d'un mode d'identification que nous appelons narcissique et qui détermine la structure formelle du moi de l'homme et du registre d'entités caractéristiques de son monde. - [Cf. le stade du miroir où apparaît ainsi l'] 113 - imago salutaire ; elle est valorisée de toute la détresse originelle, liée à la discordance intra-organique et relationnelle du petit d'homme, durant les six premiers mois - [Entre six mois et deux ans et demi, l'enfant vit dans une totale identification à l'autre] L'enfant qui bat dit avoir été battu, celui qui voit tomber pleure. Cette forme se cristallisera (...) dans la tension conflicturelle interne au sujet, qui détermine l'éveil de son désir pour l'objet du désir de l'autre : ici le concours primordial se précispite en concurrence agressive, et c'est d'elle que naît la triade d'autrui, du moi et de l'objet - 114 - C'est pourquoi jamais (...) le MOI de l'homme n'est réductible à son identité vécue ; et dans les disruptions dépressives des revers vécus de l'infériorité, engendre-t-il essentiellement les négations mortelles qui le figent dans son formalisme. "Je ne suis rien de ce qui m'arrive. Tu n'es rien de ce qui vaut." Aussi bien les deux moments se confondent-ils où le sujet se nie lui-même et où il charge l'autre, et l'on y découvre cette structure PARANOÏAQUE du moi qui trouve son analogue dans les négations fondamentales, mises en valeur par Freud dans les trois délires de jalousie, d'érotomanie et d'interprétation. C'est le délire même de la belle âme misanthrope [Alceste], rejetant sur le monde le désordre qui fait son être. - 116 - [donc] une agressivité liée à la relation narcissique et aux structures de méconnaissance et d'objectivation [objection] systématiques qui caractérisent la formation du moi . - Nul besoin dès lors de chercher plus loin la source de cette énergie dont Freud, à propos du problème de la répression, se demande d'où l'emprunte le moi , pour la mettre au service du "principe de réalité". Nul doute qu'elle ne provienne de la "passion narcissique" - Tout comme l'oppression insensée du SURMOI reste à la racine des impératifs motivés de la conscience morale, la furieuse passion, qui spécifie l'homme, d'imprimer dans la réalité son image est le fondement obscur des médiations rationnelles de la volonté. - 119 - C'est à toutes les phases génétiques de l'individu (...) que nous retrouvons ce moment narcissique dans le sujet, en un avant où il doit assumer une frustration libidinale et un après où il se transcende dans une sublimation normative. - 123 - la crainte de la mort, du "Maître absolu" (...) est psychologiquement subordonnée à la crainte narcissique de la lésion du corps propre. -

1953 - Les écrits techniques de Freud - 144 - deux narcissismes. Il y a d'abord (..) un narcissisme qui se rapporte à l'image corporelle. - donne sa forme à son Umwelt - [moi-idéal - par contre, la réflexion dans le miroir manifeste une possibilité noétique originale, et introduit un second narcissisme. Son pattern fondamental est tout de suite la relation à l'autre. / L'autre a pour l'homme valeur captivante, de par l'anticipation que représente l'image unitaire telle qu'elle est perçue soit dans le miroir, soit dans toute réalité du semblable. - 145 - Le sujet voit son être dans une réflexion par rapport à l'autre, cad par rapport à l'Ich-Ideal [idéal-du-moi] -

1954/55 - Le moi dans la théorie de Freud... - 196 - C'est l'image de son corps qui est le principe de toute unité qu'il [l'homme] perçoit dans les objets. Or, de cette image même, il ne perçoit l'unité qu'au-dehors [qu'au lieu de l'autre], et d'une façon anticipée. Du fait de cette relation double qu'il a avec lui-même, c'est toujours autour de l'ombre errante de son propre moi que se structureront tous les objets de son monde. - Le désir a un caractère radicalement déchiré. L'image même de l'homme y apporte une médiation, toujours imaginaire, toujours problématique - Si l'objet perçu au-dehors a sa propre unité, celle-ci met l'homme qui la voit en état de tension, parce qu'il se perçoit lui-même comme désir, et désir insatisfait. Inversement, quand il saisit son unité, c'est le monde au contraire qui pour lui se décompose, perd son sens - 199 - oscillation imaginaire - la seconde partie du rêve de l'injection d'Irma met en évidence ces composés fondamentaux du monde perceptif que constitue le rapport narcissique. - Le reflet du sujet (...) se retrouve toujours quelque part dans tout tableau perceptif - l'objet n'est jamais appréhendé qu'à travers la grille du rapport narcissique.

1955 - La Chose freudienne - 428 - Mais la signification décisive pour nous de l'aliénation constituante de l'Urbild du moi, apparaît dans la relation d'exclusion qui structure dès lors dans le sujet la relation duelle de moi à moi. - l'identification précipitée du moi à l'autre dans le sujet a pour effet que cette répartition ne constitue jamais une harmonie même cinétique, mais s'institue sur "toi ou moi" permanent d'une guerre -

1961/62 - L'identification - 28/02/62 - [Ce que Freud appelle] narcissisme des petites différences, c'est la même chose que ce que l'appelle la fonction du trait unairet (...) ; c'est à partir de cette petite différence [cad différence absolue], en tant qu'elle est la même chose que le grand I, l'Idéal-du-moi, que peut s'accommoder toute visée narcissique