Oedipe

1938 - Les complexes familiaux - 65 - L'imago du père (...) polarise dans les deux sexes les formes les plus parfaites de l'idéal du moi (...), l'idéal viril chez le garçon, chez la fille l'idéal virginal. [En somme chez la fille le surmoi (mère) et l'idéal du moi (père) ne coincideraient pas, d'où un chiasme, un conflit entre amour et désir propre à perpétuer l'interdit : de quoi, sinon du désir ?(névrose constitutive de la fille) ; chez le garçon il est entendu que répression et sublimation se confondent, mais cette fois l'interdit porte sur l'amour : tu n'aimeras pas puisque tu m'aimes, fils, et pour cela tu désireras, ou plutôt tu jouiras sur le mode pervers (perversion constitutive du mâle)] - 66 - l'imago paternelle concentre en elle la fonction de répression avec celle de sublimation ; mais c'est là le fait d'une détermination sociale, celle de la famille paternaliste. - [seulement dans le système contraire (où l'interdicteur est l'oncle maternel, par ex.), à l'harmonie apparente on opposera non seulement] la stéréotypie qui marque les créations de la personnalité, de l'art à la morale [mais aussi, et donc, on constatera] combien l'élan de la sublimation est dominé par la répression sociale, quand ces deux fonctions sont séparées. C'est au contraire parce qu'elle est investie de la répression que l'imago paternelle en projette la force originelle dans les sublimations mêmes qui doivent la surmonter ; c'est de nouer en une telle antinomie le progrès de ces fonctions, que le complexe d'œdipe tient sa fécondité. - 67 - [c'est un] fait que la lumière de la tradition historique ne frappe en plein que les annales des patriarcats, tandis qu'elle n'éclaire qu'en frange (...) les matriarcats - 68 - introduit dans la répression un idéal de promesse. -

1946 - Propos sur la causalité psychique - 182 - Une fonction de puissance et de tempérance à la fois - un impératif non plus aveugle, mais "catégorique" ,- une personne qui domine et arbitre le déchirement avide et l'ambivalence jalouse qui fondaient les relations premières de l'enfant avec sa mère et avec le rival fraternel, voici ce que le père représente et semble-t-il d'autant plus qu'il est "en retrait" des premières appréhensions affectives. - 184 - Je pense que le complexe d'Œdipe n'est pas apparu avec l'origine de l'homme (...), mais à l'orée de l'histoire, de l'histoire "historique", à la limite des cultures "ethnographiques". Il ne peut évidemment apparaître que dans la forme patriarcale de l'institution familiale - sa valeur de clôture d'un cycle psychique tient à ce qu'il représente la situation familiale, en tant que par son institution celle-ci marque dans le culturel le recoupement du biologique et du social.

1948 - L'agressivité en psychanalyse - 117 - Nous indiquerons comment nous en concevons la liaison [du narcissisme] avec la fonction du complexe d'Œdipe. Celle-ci dans sa normalité est de sublimation, qui désigne très exactement un remaniement identificatoire du sujet, et, comme l'a écrit Freud dès qu'il eut ressenti la nécessité d'une coordination "topique" des dynamismes psychiques, une identification secondaire par introjection de l'imago du parent de même sexe. L'énergie de cette identification est donnée par le surgissement biologique de la libido génitale. Mais il est clair que l'effet structural d'identification au rival ne va pas de soi, sinon sur le plan de la fable, et ne se conçoit que s'il est préparé par une identification primaire qui structure le sujet comme rivalisant avec soi-même. - Mais ce qui nous intéresse ici, c'est la fonction que nous appellerons pacifiante de l'idéal du moi , la connexion de sa normativité libidinale avec une normativité culturelle, liée depuis l'orée de l'histoire à l'imago paternelle.

1950 - Fonctions de la psychanalyse en criminologie - 129 - la première situation dont encore nous sommes redevables à l'initiative freudienne d'avoir amené la notion (...) c'est justement celle du crime dans ses deux formes les plus abhorrées, l'Inceste et le Parricide, dont l'ombre engendre toute la pathogénie de l'Œdipe. - 130 - Dieu est mort, plus rien n'est permis. [= névrose] / Ces maux et ces gestes, la signification de l'auto-punition les couvre tous. Va-t-il donc falloir l'étendre à tous les criminels (...) ? - 132 - les effets psychopathologiques en leur majeure partie (...) où sont révélées les tensions issues de l'œdipisme (...) expriment une déhiscence du groupe familial au sein de la société. - 133 - Cette conception qui se justifie par la réduction de plus en plus étroite de ce groupe à sa forme conjugale, et par la conséquence qui s'ensuit du rôle formateur de plus en plus exclusif qui lui est réservé dans les premières identifications de l'enfant comme dans l'apprentissages des premières disciplines, explique l'accroissement de la puissance captatrice de ce groupe sur l'individu à mesure même du déclin de sa puissance sociale.

1955/56 - Les psychoses - 197 - [Cette notion d'identification est primordiale dans l'analyse. Freud se trompe sur Dora car] Il se demande ce que Dora désire, avant de se demander qui désire dans Dora. Et Freud finit par s'apercevoir que, dans ce ballet à quatre (...) c'est Madame K. l'objet qui intéresse vraiment Dora, en tant qu'elle-même est identifiée à Monsieur K. La question de savoir où est le moi de Dora est ainsi résolue - le moi de Dora, c'est Monsieur K. - 196 - La topique freudienne du moi nous montre comment [un ou une névrosée] (...) use de son moi pour poser la question, cad justement pour ne pas le poser. La structure d'une névrose est essentiellement une question - 200 - Devenir une femme et s'interroger sur ce qu'est une femme sont deux choses essentiellement différentes. Je dirai même plus - c'est parce qu'on ne le devient pas qu'on s'interroge, et jusqu'à un certain point, s'interroger est le contraire de la devenir. - 201 - Quand sa question prend forme sous l'aspect de l'hystérie, il est très facile à la femme de la poser par la voie la plus courte, à savoir l'identification au père. - 198 - la raison de la dissymétrie se situe essentiellement au niveau symbolique - Il n'y a pas à proprement parler, dirons-nous, de symbolisation du sexe de la femme comme tel. - L'accès de la femme au complexe œdipien, son identification imaginaire [finalement en tant que femme], se fait en passant par le père, exactement comme chez le garçon, en raison de la prévalence de la forme imaginaire du phallus - 199 - [Mais] Le fait ne peut s'interpréter que dans la perspective où c'est l'ordonnance symbolique qui règle tout.

1956/57 - La relation d'objet - (7) - le Phallus se trouve cet élément imaginaire (...) par lequel le sujet au niveau génital est introduit dans la symbolique du don. - Pour l'enfant femelle c'est tréè précisément en tant qu'elle ne le possède pas (...), cad c'est en tant qu'elle phallicise la situation, cad qu'il s'agit d'avoir ou de n'avoir pas le P, qu'elle entre dans le complexe d'oedipe [alors que pour le garçon, c'est par là qu'il en sort, cad] qu'il faudra effectivement qu'il fasse don de ce qu'il a -

1957/58 - Les formations de l'inconscient - 15/01/58 - y-a-t-il des névroses sans œdipe ? - [paradoxe insoutenable si l'on pense que] c'est un accident de l'œdipe qui provoque la névrose - [certains auteurs se sont demandés en effet, se plaçant pour cela sur le terrain dit pré-œdipien, s'il] n'y a pas, derrière le surmoi paternel, ce surmoi maternel encore plus exigeant, encore plus opprimant - dans Freud, ça prend son importance (...) [mais] à travers l'œdipe [dans une sorte de rétro-action de l'œdipe] - [Cela dit, si une névrose sans œdipe semble difficile, un œdipe sans père (dans la réalité) peut très bien avoir lieu. Ce qui oblige à préciser ce qu'on entend par carence, ou absence paternelle.] - Donc, la question du père normal est une question, la question de sa position normale dans la famille en est une autre. [Puis il faut faire une seconde distinction entre la famille et le complexe, soit le rôle du père essentiellement auprès de/pour la mère.] - [Ces trois rôles sont: 1: ] Il interdit la mère, d'abord. C'est là le fondement, le principe du complexe d'Oedipe, c'est là que le père est lié à la loi primordiale, loi d'interdiction de l'inceste. - première expérience du complexe d'œdipe sous la forme (...) d'une rétorsion. - [ici apparaît évidemment la "menace" de castration. Elle apparaît] à l'intérieur du rapport agressif en tant que cette agression part de l'enfant. Bref, la crainte éprouvée devant le père est nettement centrifuge - [Il n'empêche que la castration est ici] profondément liée à l'articulation symbolique de l'interdiction de l'inceste [c'est l'objet (coupé) qui est imaginaire, tandis que le père est bien réel] - [castration=] l'enfant reconnaît n'avoir pas choisi [son sexe]. - [Notons bien que cette rétorsion, cette interdiction ne porte donc pas sur l'impulsion réelle (la mère y suffirait), et ce n'est pas pour autant encore une privation.] - [Ici il faut mentionner les cas d'œdipe inversés, qui est d'ailleurs une dimension, celle de la composante d'amour pour le père, présente à chaque fois car, au déclin du complexe d'œdipe, ce qui signe même son déclin se passe] dans une dialectique qui reste très ambiguë de l'amour et de l'identification - c'est pour autant que le père est aimé que le sujet s'identifie à lui - L'œdipe inversé conduit donc à l'inversion, car] ce père qui est redoutable, qui a interdit tellement de choses mais qui est bien gentil ailleurs (...) [on doit] se mettre à la bonne place pour avoir ses faveurs, cad se faire aimer de lui - [2] le père frustre bel et bien l'enfant de la mère. - ici le père intervient comme ayant droit et pas comme personnage réel, à savoir que même s'il n'est pas là, même s'il appelle la mère au téléphone, par exemple, le résultat est le même. C'est le père ici, en tant que symbolique, qui intervient dans une frustration, acte imaginaire concernant là un objet bien réel, qui est la mère, en tant que l'enfant en a besoin. [3] Puis il y a le troisième temps qui intervient dans cette articulation du complexe d'œdipe qui est le père [imaginaire] en tant qu'il se fait préférer à la mère [qu'il devient objet d'amour, et c'est là] que va pouvoir s'établir l'identification terminale [à l'idéal du moi] - [privation réelle d'un objet symbolique par le père imaginaire] [mais l'acte d'identification, qui est une métaphore, est plus fort - sinon l'enfant resterait à jamais châtré.] - [l'objet de cette privation, il est clair qu'il est purement symbolique puisque la mère ne le possède précisément pas.] - se pose pour le sujet d'accepter, d'enregistrer, de symboliser lui-même, de rendre signifiante cette privation dont la mère s'avère être l'objet. - ce qui revient à l'enfant est purement et simplement la loi du père - [désormais la question est, pour l'enfant] "être ou ne pas être", "to be or not to be" le phallus. - le sujet est là aussi passif qu'il est actif pour la bonne raison que ce n'est pas lui qui tire les ficelles du symbolique ; la phrase a été commencée avant lui, (...) par ses parents (et tout dépend du rapport mutuel de ces parents à l'égard de cette phrase commencée] - [Désormais il ne s'agit plus d'être mais d'avoir] "en avoir ou pas" - Ce n'est pas la même chose, il faut que quelque chose ait été franchi entre l'un et l'autre [qui s'appelle la castration : aussi bien si l'on "en a" (car alors on ne l'est plus) que si l'on "es a pas" (c'est alors plus facile à concevoir, pour la fille, mais aussi plus dur à admettre.] - [Ceci dit, le père privateur, il va falloir maintenir qu'il se montre à la hauteur de ce plan symbolique où il nous amène, qu'on puisse compter sur lui : "en avoir", de l'autorité comme du sexe, suppose que l'on s'en serve... bien.] - ce que le père, si je puis dire, en tant que "supporter" de la "loi", ce que le père a promis, il faut qu'il le tienne - [Cela consiste surtout pour lui à] donner à la mère ce qu'elle désire - [L'enfant, lui, recueille, non pas le plein usage des fonctions qui commençaient à s'éveiller - il va plutôt le les mettre en sourdine -, mais plutôt] il a en poche tous les titres à s'en servir pour le futur. La métaphore paternelle joue là un rôle qui est bien celui auquel nous pouvions nous attendre de la part d'une métaphore : c'est d'aboutir à l'institution de quelque chose qui est de l'ordre du signifiant qui est là en réserve ; la signification s'en développera plus tard. - je vous fais remarquer à cette occasion que cela veut dire qu'en tant qu'il est viril un homme est toujours plus ou moins sa propre métaphore. C'est même ce qui met sur le terme de virilité cette espèce d'ombre de ridicule, dont il faut quand même faire état. - [de même] une féminité, une vraie féminité a toujours un peu aussi une dimension d'alibi, les vraies femmes, ça a toujours quelque chose d'un peu égaré - 29/01.58 - ce qu'il y a de plus formidable, c'est qu'on ne les guérit pas [les homosexuels], malgré qu'ils soient absolument guérissables. - [c'est] très proprement une inversion quant à l'objet qui se (...) structure au niveau d'un œdipe plein et achevé - sous une forme quelconque c'est la mère qui (...) fait la loi au père. - [Il y a le cas du père trop interdicteur, mais aussi les] cas où le père aime trop la mère - [s'il est vrai que, aimer c'est donner ce qu'on n'a pas, si le père aime trop il fait par trop visiblement la preuve de son manque qui est perçu comme faiblesse.] - [Donc le ressort de l'homosexualité n'est pas un rapport à la mère mais bien un rapport avec ce qui devrait être le message de la loi, c'est-à-dire du père, et qui est actuellement détenu par la personne de la mère.] - 12/03/58 - Freud nous dit que la fille comme le garçon, d'abord désire la mère - [Lacan nous dit, lui, que l'enfant désire le désir de la mère, non plus évidemment parce qu'elle a le pénis mais parce que l'enfant est le phallus pour elle, et désire donc être désiré comme tel.] - La fille se croit d'abord pourvue d'un phallus, comme elle croit aussi sa mère pourvue d'un phallus - le pénis fantasmatique est [alors] une exagération du petit pénis que donne effectivement l'anatomie féminine. - et c'est à ce moment, nous dit-il [Freud], que le complexe d'Œdipe joue le rôle normatif - la petite fille entre dans le complexe d'Œdipe par la phase inversée du complexe d'Œdipe dans une relation à la mère, et c'est dans l'échec de cette relation à la mère qu'elle trouve la relation au père - Il y a trois modes au travers de cette entrée et de cette sortie du complexe d'Œdipe, qui nous sont montrés par Freud autour de la phase phallique [phallus]. [1] Il y a penis-neid au sens du fantasme - ce fantasme que le clitoris soit un pénis. [Castration proprement dite, symbolique] - [2] - Il y a un autre sens : pénis-neid tel qu'il intervient quand ce qui est désiré, c'est le pénis du père [Frustration imaginaire] - [3] - [puis] le fantasme d'avoir un enfant du père, c'est-à-dire d'avoir ce pénis sous une forme symbolique. [Privation réelle] - En fin de compte, le présupposé d'ailleurs pleinement articulé par Freud, est que l'exigence enfantine primordiale est, comme il dit, sans but. Ce qu'elle exige, c'est tout, et c'est par le désappointement si l'on peut dire de cette exigence par ailleurs impossible à satisfaire, que l'enfant entre peu à peu dans une position plus normative.

1958/59 - Le désir et son interprétation - 29/04/92 - le crime se produit dans O au niveau de la génération du héros. Dans Hamlet il s'est déjà produit au niveau de la génération précédente. Dans O il se produit le héros ne sachant pas ce qu'il fait et en quelque sorte guidé par le fatum. - [Dans Hamlet] le sujet sait. Je veux dire qu'Hamlet est informé par son père qui sait ce qui est arrivé. - Le drame d'H, contrairement à celui de l'O, ne part pas de cette question : qu'est-ce qui se passe, où est le crime, où est le coupable ? Il part de la dénonciation du crime [Hamlet arrive trop tard, il arrive dans l'histoire, dans la conscience, on n'est pas plus dans le mythe : Hamlet = O impossible ?] - nous sommes voués à ne plus vivre l'O que sous une forme en quelque sorte faussée - l'énigme de l'O [en psychanalyse] n'est pas simplement que le sujet ait voulu, désiré le meurtre de son père, le viol de sa mère, mais que ceci soit dans l'inconscient (...) au point que le sujet pendant (...) la période de latence (...) vient à ne plus s'en occuper du tout -

1958/59 - Le désir et son interprétation - 29/04/92 - le phallus (...) comme la clé (...) du déclin de l'O - à savoir que le sujet a à faire son deuil du phallus - [Or chez Hamlet] Le rejet, la dépréciation, le mépris jeté sur Claudius est quelque chose qui a toutes les apparences d'une dénégation. - le phallus est toujours là - et c'est Claudius qui est chargé de l'incarner. - le phallus, là bel et bien réel, c'est comme tel qu'il s'agit de le frapper. - [Or si Hamlet ne se décide pas à tuer Claudius c'est] On ne peut pas frapper le phallus, parce que le phallus même s'il est là bel et bien réel il est une ombre. - [c'est bien pour ça qu'] après tout il était tout à fait clair qu'on n'assassinait pas Hitler. - [Hamlet] sait que ce qu'il a à frapper c'est autre chose que ce qui est là.