Regard

1953/54 - Les écrits techniques de Freud - 245 - Le regard ne se situe pas simplement au niveau des yeux. - Le regard n'est pas forcément la face de notre semblable, mais aussi bien la fenêtre derrière laquelle nous supposons qu'il nous guette. C'est un x , l'objet devant quoi le sujet devient objet. - 249 - C'est la guerre. J'avance dans la plaine, et je me suppose sous un regard qui me guette. - Ce qui m'importe le plus est de savoir ce que l'autre imagine, détecte de mes intentions à moi qui m'avance, parce qu'il me faut lui dérober mes mouvements. - Ce qui compte, ce n'est pas que l'autre vois où je suis, c'est qu'il voit où je vais [comme sujet], cad, très exactement, qu'il voit où je ne suis pas.

1956/57 - La relation d'objet - 536 - [Ce jeu imaginaire par excellence de Hans et sa mère, jeu "scoptophillique" de voir et d'être vu : chercher le phallus? Relation imaginaire qui n'est cependant pas la relation imaginaire primitive de capture mère-enfant (animale) toute bête..., où la bête couve, menace...du regard, ou se fait voir, comme à la parade. Là il s'agit de chercher à voir], à épier comme on dit, ce qui à la fois y est et n'y est pas. (...) Quelque chose qui est là en tant qu'il reste voilé. [Degré supérieur] non pas seulement du voir et de l'être vu, mais de donner à voir et de l'être surpris.

1962/63 - L'angoisse - 15/05/63 - cet objet central (a), en tant qu'il est, non seulement séparé mais élidé, toujours ailleurs (...), ce caractère d'élusion n'est nulle part plus manifeste qu'au niveau de la fonction de l'œil, et c'est en quoi le support le plus satisfaisant de la fonction du désir, le fantasme, est toujours marqué d'une parenté avec les modèles visuels où il fonctionne communément -

1964 - Les quatre concepts…  - 68 - [Ce que nous indique Merleau-Ponty] c'est la préexistence d'un regard - je ne vois que d'un seul point, mais dans mon existence je suis regardé de partout. - Mais ce n'est pas entre l'invisible et le visible que nous allons, nous avoir à passer. - L'œil et le regard, telle est pour nous la schize dans laquelle se manifeste la pulsion au niveau du champ scopique. - 70 - Dans notre rapport aux choses, tel qu'il est constitué par la voie de la vision, et ordonné dans les figures de la représentation, quelque chose glisse, passe, se transmet, d'étage en étage, pour y être toujours à quelque degré éludé - c'est ça qui s'appelle le regard. - 71 - [La fonction de la tache, assimilée à celle regard, on la retrouve] à tous les étages de la constitution du monde dans le champ scopique. - [elle] échappe toujours à la saisie de cette forme de la vision qui se satisfait d'elle-même en s'imaginant comme conscience. Ce en quoi la conscience peut se retourner sur elle-même - se saisir, telle la Jeune Parque de Valéry, comme se voyant se voir - représente un escamotage. Un évitement s'y opère de la fonction du regard. - De même, dans cet ordre particulièrement satisfaisant pour le sujet que l'expérience analytique a connoté du nom de narcissisme [et jusqu'à la "contemplation" des philosophes] - [Il y a élision du fait que] nous sommes des êtres regardés, dans le spectacle du monde. - C'est bien là le fantasme que nous trouvons dans la perstecive platonicienne, [à ceci près qu'il s'agit là] d'un être absolu à qui est transférée la qualité de l'omnivoyant. - ce côté omnivoyeur se pointe dans la satisfaction d'une femme à se savoir [se sa-voir] regardée, à condition qu'on ne le lui montre pas.

- 78 - l'intérêt que le sujet prend à sa propre schize est lié à ce qui la détermine - à savoir, un objet privilégié, surgi de quelque séparation primitive, de quelque automutilation induite par l'approche même du réel, dont le nom, en notre algèbre, est objet "a". - 79 - Dans le rapport scopique, l'objet d'où dépend le fantasme auquel le sujet est appendu dans une vascillation essentielle, est le regard. - le regard se spécifie comme insaisissable. C'est pour cela qu'il est, plus que tout autre objet, méconnu, et c'est peut-être pour cette raison aussi que le sujet trouve si heureusement à symboliser son propre trait évanouissant et punctiforme dans l'illusion de la conscience de se voir se voir, où s'élide le regard. - un regard par moi imaginé au champ de l'Autre. - 80 - Le regard dont il s'agit est bien présence d'autrui comme tel. Mais est-ce à dire qu'originellement c'est dans le rapport de sujet à sujet, dans la fonction de l'existence d'autrui comme me regardant [Sartre], que nous saisissons ce dont il s'agit dans le regard ? N'est-il pas clair que le regard n'intervient ici que pour autant que ce n'est pas le sujet néantisant, corrélatif du monde de l'objectivité, qui s'y sent surpris, mais le sujet se soutenant dans une fonction de désir ? N'est-ce pas justement parce que le désir s'instaure ici dans le domaine de la voyure, que nous pouvons l'escamoter ? - 94 - - nous voyons, dans la dialectique de l'œil et du regard, qu'il n'y a point coïncidence, mais foncièrement leurre. Quand, dans l'amour, je demande un regard, ce qu'il y a de foncièrement insatisfaisant et de toujours manqué, c'est que - Jamais tu ne me regardes là où je te voix. Inversement, ce que je regarde n'est jamais ce que je veux voir.

- 98 - dans le champ scopique, le regard est au-dehors, je suis regardé, cad je suis tableau. C'est là la fonction qui se trouve au plus intime de l'institution du sujet dans le visible. - 99 - [Mais le sujet] s'y repère. Comment ? Dans la mesure où il isole, lui [pas l'animal], la fonction de l'écran, et en joue. l'homme, en effet, sait jouer du masque comme étant ce au-delà de quoi il y a le regard. - C'est, au niveau perceptif, le phénomène d'une relation qui est à prendre dans une fonction plus essentielle, à savoir que, dans son rapport au désir, la réalité n'apparaît que marginale. - En effet, il y a quelque chose dont toujours, dans un tableau, on peut noter l'absence - au contraire de ce qu'il en est dans la perception. C'est le champ central, où le pouvoir séparatif de l'œil s'exerce au maximum dans la vision. Dans tout tableau , il ne peut qu'être absent, et remplacé par un trou - reflet, en somme, de la pupille derière laquelle est le regard. Par conséquent, et pour autant que le tableau entre dans un rapport au désir, la place d'un écran central est toujours marquée, qui est justement ce par quoi, devant le tableau, je suis élidé comme sujet du plan géométral. C'est par là que le tableau ne joue pas dans le champ de la représentation. Sa fin et son effet sont ailleurs.

- 102 - l'œuvre, ça les apaise, les gens, ça les réconforte, en leur montrant qu'il peut y en avoir quelques uns qui vivent de l'exploitation de leur désir. - quelque chose ici s'indique de cette fonction que j'ai appelée du dompte-regard. - je dirai que c'est d'une sorte de désir à l'Autre qu'il s'agit, au bout duquel est le donner-à-voir. En quoi ce donner à voir apaise-t-il quelque chose ? - sinon en ceci qu'il y a un appétit de l'œil chez celui qui regarde. Cet appétit de l'œil qu'il s'agit de nourrir fait la valeur de charme de la peinture. Celle-ci est, pour nous, à chercher sur un plan beaucoup moins élevé qu'on ne le suppose, dans ce qu'il en est de la vraie fonction de l'organe de l'œil, l'œil plein de voracité, qui est le mauvais œil. Il est frappant (...) qu'il n'y ait trace nulle part d'un bon œil, d'un œil qui bénit. Qu'est-ce à dire ? - sinon que l'œil porte avec lui la fonction mortelle d'être en lui-même doué (...) d'un pouvoir séparatif. - Invidia vient de videre. L'invidia la plus exemplaire (...) est celle (...) relevée dans Augustin (...), à savoir celle du petit enfant regardant son frère pendu au sein de sa mère -